Développée à l’hôpital Saint-Louis par le Pr Eric de Kerviler, la cryothérapie est une technique mini-invasive de radiologie interventionnelle qui utilise le froid extrême pour détruire des tumeurs cancéreuses et traiter la douleur.
En théorie, il suffit que le chirurgien retire la tumeur cancéreuse unique pour que le patient soit définitivement guéri. En pratique, les situations sont souvent très complexes et nécessitent le recours aux thérapies innovantes. Explications…
La cryothérapie, une des approches les plus prometteuses dans le traitement de certaines tumeurs cancéreuses
Les progrès accomplis en cancérologie, discipline où les découvertes ont été les plus nombreuses durant la dernière décennie, ont ouvert de nouvelles voies comme la médecine personnalisée. Fondée sur la connaissance des mécanismes des maladies, cette approche permet de sélectionner le traitement le plus adapté en fonction des caractéristiques de la ou des tumeurs et du profil de chaque patient. Avec à la clé les effets collatéraux minimes par rapport aux protocoles classiques. Ces thérapies dites ciblées doivent leur essor à la mise au point de nouvelles molécules dont l’action spécifique, circonscrite à certains récepteurs ou certaines protéines exprimés par les cellules tumorales, inhibe leur développement.
Autre méthode thérapeutique prometteuse, la radiologie interventionnelle, qui permet la destruction guidée par imagerie médicale de certaines tumeurs. La radiologie interventionnelle en cancérologie a d’ailleurs été clairement identifiée comme prioritaire dans le 3ème plan cancer présenté récemment par le Président de la République.
La plus récente de ces techniques d’ablation est la cryothérapie qui apparaît très prometteuse en cancérologie, en particulier pour le traitement des tumeurs du rein et de certaines métastases et pour soulager la douleur.
Le principe consiste à introduire sous scanner ou sous IRM plusieurs aiguilles spéciales au sein d’une tumeur. A l’extrémité de chaque aiguille une chambre de décompression permet lorsque l’on fait circuler de l’argon, d’abaisser la température jusqu’à -40°C. Il se forme à l’extrémité des aiguilles une boule de glace englobant la tumeur qui est visualisée par imagerie, pour un contrôle en temps réel de la procédure d’ablation tumorale. Le traitement consiste en l’alternance de phases de froid suivies de réchauffement lent.
Le traitement des tumeurs du rein
Le traitement de référence du cancer du rein reste actuellement la chirurgie. Or 2/3 des tumeurs sont découvertes de manière fortuite et sont de petite taille, et la moitié touche des patients de plus de 65 ans. Et nombre d’entre eux présentent des contre-indications opératoires ou anesthésiques, au premier rang desquelles l’obésité, le diabète ou les maladies cardio-vasculaires. La cryothérapie ne se positionne donc pas en compétition avec la chirurgie, mais en technique alternative chez les patients qui ne peuvent pas être opérés. Les deux intérêts principaux de cette technique sont la possibilité de réaliser la destruction d’une tumeur du rein sous anesthésie locale seule, et de visualiser la boule de glace grâce au scanner ou à l’IRM, donc de suivre en direct l’évolution de la destruction tumorale. A la fin de la procédure, qui dure en moyenne 90 minutes, la tumeur est détruite mais laissée en place, contrairement à la chirurgie, d’où la nécessité de réaliser des contrôles réguliers par imagerie afin de s’assurer qu’il n’existe pas de reliquat tumoral viable. Le taux de récidive est faible, proche de 5%, et un second traitement par cryothérapie reste possible en cas d’évolution locale.
Le traitement des métastases
La cryothérapie reste un traitement local du cancer et ne s’adresse donc pas à des patients présentant de multiples métastases, qui relèvement plutôt de protocoles de chimiothérapie ou de thérapies ciblées par voie générale. Néanmoins, certains patients traités pour un cancer développeront des métastases isolées, étalées dans le temps, et pourront donc bénéficier de la cryothérapie de manière ponctuelle pour chaque métastase. Chez ces patients dits « oligo-métastatiques », la mise en place des aiguilles s’effectue comme pour les tumeurs du rein grâce à un guidage par l’imagerie. Le nombre d’aiguilles à utiliser dépend de la taille de la lésion à détruire. De nombreux organes qui représentent des sites classiques de métastases comme le poumon, les surrénales, ou les os peuvent bénéficier d’une ablation tumorale par cryothérapie. Si chaque organe a ses spécificités et nécessite des précautions particulières, l’approche générale reste la même, et les gestes sont réalisés sous anesthésie locale. Le suivi des lésions après traitement s’effectue grâce à l’imagerie comme pour la cancer du rein.
Le traitement de la douleur
La prise en charge de la douleur chez le patient en Cancérologie est également un des domaines dans lesquels des progrès importants ont été réalisés, grâce notamment à la constitution d’équipes dédiées. De nombreux malades se présentent en effet à un stade avancé du cancer, avec pour corollaire de multiples complications. Les douleurs cancéreuses rebelles font partie des manifestations du cancer difficiles à prendre en charge, et certaines peuvent largement bénéficier de la cryothérapie. L’objectif dans ce cas n’est plus nécessairement de détruire la totalité d’une tumeur et d’avoir un effet curatif sur le cancer, mais d’obtenir une désescalade des traitements anti-douleur et d’améliorer la qualité de vie. La propriété mise à profit dans cette indication est l’effet anesthésique bien connu du froid. Les nerfs sont en effet extrêmement sensibles aux températures très basses, avec un effet réversible lorsque l’on est proche de 0°C, et définitif lorsque l’on descend de manière prolongée en dessous de -15°C. La principale indication actuellement est une métastase osseuse hyperalgique, en générale sur une zone porteuse du squelette (figure 2). Néanmoins, des études sont en cours sur les douleurs cancéreuses rebelles que l’on observe dans les cancers du pancréas et de l’estomac localement avancées avec envahissement du plexus coeliaque.
Cryothérapie d’une métastase du sacrum (têtes de flèches) très douloureuse empêchant la situation assise ou allongée, résistante aux antalgiques majeurs. Cryothérapie après mise en place sous scanner de 3 aiguilles. La boule de glace autour des aiguilles (zone sombre) permet une destruction nerveuse et un effet antalgique immédiat et durable.
D’après un article du Pr Eric de Kerviler, Service de Radiologie, Hôpital Saint-Louis
Contact : Véronique Dubernard, PhD
Communication scientifique – Hôpitaux Universitaires Saint-Louis, Lariboisière, Fernand-Widal – http://ghparis10.aphp.fr/Tél : 01 42 38 51 40 – veronique.dubernard@sls.aphp.fr