Le Pr Philippe Paparel, chirurgien urologue, et le Pr François Golfier, chirurgien gynécologue, se sont associés pour réaliser, pour la première fois, le 30 août dernier, l’ablation d’un rein par le vagin chez une patiente dont le rein a été détruit par des épisodes infectieux chroniques. Cette première première française est aussi une première mondiale car la personne opérée souffre d’une obésité morbide (117 kg pour 1,60 m). |
C’est d’ailleurs ce paramètre qui a conduit les deux chirurgiens à proposer une extraction du rein par le vagin. En effet, les patients présentant une obésité majeure ont un risque accru de complications médicales d’abord (risque de thrombose veineuse, d’infarctus du myocarde, de problèmes respiratoires, de décompensation d’un diabète…) ; chirurgicales ensuite : l’épaisseur importante de la paroi abdominale due à la couche graisseuse augmente le risque infectieux (suppuration de la cicatrice), et le risque d’hématomes et d’éventrations. La patiente avait d’ailleurs présenté quelques années plus tôt une importante infection de sa cicatrice de césarienne, qui avait mis plusieurs semaines à cicatriser. La voie vaginale permet de diminuer au maximum les douleurs et les risques de complications en raison de la très petite taille des incisions.
Extraction du rein par le vagin : explications
Les premiers temps de l’intervention sont similaires à celui d’une ablation de rein standard sous coelioscopie. Le chirurgien urologue introduit quatre trocarts* nécessitant la réalisation de petites incisions cutanées dans le flanc gauche : deux de 5 mm, une de 10 mm et une autre de 12 mm. Ces trocarts permettent le passage de la caméra et des instruments chirurgicaux de dissection à l’intérieur de l’abdomen. Le rein est alors entièrement décollé et libéré de ses attaches anatomiques. Dans une coelioscopie standard, le rein est extrait en fin d’intervention en agrandissant l’une des incisions cutanées. L’incision d’extraction mesure alors au moins 6 cm voire plus en cas de rein volumineux (laissant une cicatrice de la même taille).
L’originalité de la néphrectomie vaginale réside dans le fait qu’au lieu d’agrandir une des incisions cutanées, l’extraction du rein est faite par voie vaginale. Le chirurgien gynécologue réalise pour cela une incision du fond du vagin d’environ 6 cm, pour accéder à l’intérieur de l’abdomen. Dans le même temps, le chirurgien urologue contrôle grâce à sa caméra de coelioscopie la progression de la dissection du vagin. Un sac d’extraction (sorte de petite épuisette) est ensuite introduit dans l’abdomen par l’utérus pour y placer le rein. Le sac est refermé et le chirurgien gynécologue extrait le rein. En fin d’intervention, il n’y aura donc que 4 petites incisions cutanées sur l’abdomen, diminuant considérablement le risque de complications des cicatrices.
Pour cette première, les suites post opératoires de la patiente ont été tout à fait simples. La patiente a été réalimentée en 48 heures et est sortie au 3e jour post opératoire. Les douleurs, évaluées par une échelle EVA**, ont été minimes, inférieures à 2 sur 10.
Urologie et Gynécologie, un tandem d’avenir
Deux équipes dans le monde (Cleveland aux USA et Barcelone en Espagne) ont été pionnières dans le développement de cette technique d’extraction de rein par voie vaginale. L’analyse de la littérature scientifique montre que moins de 10 équipes dans le monde ont réalisé à ce jour ce type d’intervention. En revanche, le Centre Hospitalier Lyon-Sud rapporte aujourd’hui le premier cas mondial réalisé chez une patiente présentant une obésité morbide.
La néphrectomie vaginale repose sur la mutualisation des compétences entre deux spécialités, l’urologie et la gynécologie, et la combinaison de deux principes chirurgicaux réalisés quotidiennement :
– En urologie : le décollement et la libération complète d’un rein sous coelioscopie (néphrectomie)
– En gynécologie : les ablations de l’utérus (hystérectomies) qui se font régulièrement par voie vaginale, la même voie utilisée dans la néphrectomie vaginale
Il y avait principalement deux difficultés chirurgicales dans le cas de la patiente opérée au Centre Hospitalier Lyon-Sud : la première dûe à ses nombreux antécédents infectieux, qui ont rendu les tissus proches du rein inflammatoires et scléreux ; la deuxième liée à son obésité, entraînant une importante couche de graisse autour du rein rendant délicate l’extraction vaginale. C’est donc une totale réussite pour cette intervention et un grand soulagement pour la patiente.
Une chirurgie peu invasive et indolore
Au-delà d’un risque infectieux plus faible, l’extraction d’un rein par un « orifice » naturel offre de nombreux avantages :
– Des douleurs post-opératoires quasi nulles (< à 2 sur l'échelle de 0 à 10 de la douleur).
- Des cicatrices cutanées abdominales de très petites tailles (maximum 12 mm).
- Et contrairement aux idées reçues : une intervention sans conséquences sur la vie sexuelle des patientes opérées. Des questionnaires de qualité de vie sexuelle réalisés chez des patientes ayant bénéficié d'interventions par voie vaginale le prouvent. Le médecin conseille simplement d'éviter les rapports sexuels pendant 4 à 6 semaines, le temps de la cicatrisation complète.
L'ablation du rein par le vagin chez cette patiente a permis d'être le moins invasif possible et de s'amender des complications post-opératoires des parois abdominales, avec des douleurs minimes. A l'avenir, cette technique, étant donné sa simplicité, pourrait être plus largement proposée, notamment par souci de douleur et de préjudice esthétique. Les ablations de rein pour les cancers du rein (principale cause d'ablation d'un rein) pourraient être réalisées par cette technique. Pour le Pr Paparel et le Pr Golfier, la voie vaginale est sans nul doute une technique d'avenir, amenée à se diffuser dans le monde chirurgical.
* Un trocart est un instrument chirurgical qui se présente sous la forme d'une tige cylindrique à pointe acérée coulissant dans une canule creuse et servant à introduire des instruments de coelioscopie
** L'échelle EVA (Echelle Visuelle Analogique) est un système d'évaluation autonome de la douleur. Le patient positionne un curseur sur une ligne droite, entre « Aucune Douleur » et « Douleur insupportable ».