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Futurs réanimateurs : se préparer au 1er entretien avec les proches

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Un service de réanimation dans un hôpital est, par définition, le lieu où la communication entre l’entourage du patient et le médecin est fondamentale. Le pronostic vital des patients peut être engagé. Lorsque la personne est inconsciente, le « premier entretien » qui se tiendra dans les heures qui suivront l’hospitalisation mettra face à face le médecin de garde et la famille où les proches. Il s'agira d'expliquer la situation. De ce contact dépendra l’adhésion à la prise en charge « Un moment d’importance où beaucoup de choses se jouent » commente le Pr Pierre Edouard Bollaert. Chef du service au CHU de Nancy et enseignant du diplôme inter universitaire de pédagogie médicale de Nancy / Strasbourg, il a initié des jeux de rôle avec les étudiants hospitaliers en stage dans son service afin de les préparer à affronter ces situations extrêmes. Explications...

Un service de réanimation dans un hôpital est, par définition, le lieu où la communication entre l’entourage du patient et le médecin est fondamentale. Le pronostic vital des patients peut être engagé. Lorsque la personne est inconsciente, le « premier entretien » qui se tiendra dans les heures qui suivront l’hospitalisation mettra face à face le médecin de garde et la famille où les proches. Il s’agira d’expliquer la situation. De ce contact dépendra l’adhésion à la prise en charge « Un moment d’importance où beaucoup de choses se jouent » commente le Pr Pierre Edouard Bollaert. Chef du service au CHU de Nancy et enseignant du diplôme inter universitaire de pédagogie médicale de Nancy / Strasbourg, il a initié des jeux de rôle avec les étudiants hospitaliers en stage dans son service afin de les préparer à affronter ces situations extrêmes.  Explications… 
« On se rend compte que pour certaines situations, et en particulier celles qui concernent directement les relations humaines, le jeu de rôle est le mieux adapté pour faire prendre conscience des problèmes qui peuvent se poser. » reconnaît le  Pr Pierre Edouard Bollaert
C’est une salle de réunion banale dans les sous-sols du bâtiment qui abrite le service de réanimation, à côté des Urgences du CHU de Nancy. Le Pr Pierre Edouard Bollaert fait appel à un volontaire pour interpréter le réanimateur de garde qui va rencontrer une famille suite à l’hospitalisation en urgence d’un patient de 75 ans, vivant seul à son domicile, victime d’un AVC. L’accident est consécutif à un surdosage d’anticoagulant. Lisa se désigne et découvre avec attention les quelques lignes du scénario de son rôle.
Pendant ce temps, deux autres étudiants, Cyrielle et François, sortent de la pièce pour se mettre dans la peau de leur personnage. Elle, la fille du patient, 50 ans, cadre dans une grande entreprise qui a des relations difficiles avec son père et à ses côtés, son fils, 25 ans, étudiant en droit, assez angoissé des réactions possibles de sa mère. Ils viennent de parcourir 500 kilomètres suite à l’appel téléphonique des Urgences. L’infirmière les fait entrer dans le bureau du réanimateur de garde… 
Sous le regard attentif des autres étudiants, Lysa, Celia, Marie Anne, et du médecin sénior, se joue alors un « grand classique » des obligations quotidiennes des réanimateurs : entrer en contact, créer du lien avec des proches qu’ils ne connaissent pas, de façon à leur transmettre des informations concrètes qu’ils doivent comprendre et intégrer. « Nous sommes dans une situation de communication où, d’un côté un professionnel est tenu de donner des informations scientifiques et techniques » explique le Pr Bollaert, « et de l’autre, des proches, qui, au fur et à mesure qu’ils les reçoivent, sont traversés par des émotions multiples porteuses de réactions qu’il faut apprendre à connaitre. »
Le jeu de rôle se poursuit. De part et d’autre d’un bureau, les acteurs se font face pour construire un dialogue improvisé. Les étudiants en médecine, d’abord timides, se prennent au jeu, dévoilant, malgré eux, des oublis ravageurs, des informations essentielles, des évitements conséquents, des silences nécessaires, des questions déroutantes et une gestuelle révélatrice.
Au bout d’une bonne dizaine de minutes, soulagement des participants, éclats de rire et débriefing collectif. La parole est d’abord donnée aux étudiants observateurs qui, dans un réflexe protecteur, complimentent leurs collègues en soulignant tous les aspects positifs de la mise en situation. Rejoint dans cette appréciation par le réanimateur sénior qui va cependant pointer quelques erreurs à corriger : « Vous ne vous êtes pas présenté et c’est vrai que cela ne se fait pas dans la culture française. Pourtant, il faut décliner votre identité, même si vous portez un badge, qui de toute façon n’attirera pas l’attention des proches dans les circonstances qu’ils traversent. N’hésitez pas à dire « bonjour, je suis le Dr… » : c’est une attitude d’ouverture qui montre que vous allez vers la famille, que vous êtes à son écoute. »
Les étudiants acquiescent et complètent par leurs propres commentaires : « Est-ce qu’il faut donner toutes les informations médicales alors que l’on sait qu’une faible partie de l’entretien sera retenu » ? ou encore « On a l’impression de ne pas donner la bonne réponse … » Le Pr Bollaert recadre : « Dans la simulation, vous n’avez fait qu’effleurer le risque vital immédiat pour le patient. Or le médecin ne doit pas esquiver le pronostic d’ensemble même s’il est incertain. C’est bien de donner quelques pourcentages, mais ce n’est pas suffisant. Il faut s’assurer que vos interlocuteurs ont bien saisi la gravité de la situation. Des formules existent comme « est-ce que vous comprenez ce que je veux dire ? » »
L’enseignement se poursuit en détaillant la nécessité de souligner la disponibilité des équipes du service et leur omniprésence, les encouragements à poser des questions en cas d’incompréhension ou de doute, et la nécessité de s’installer à proximité de ses interlocuteurs, en respectant une certaine distance mais en ne l’accentuant pas, par exemple, en parlant debout à des personnes assises…« L’entretien avec la famille n’est pas un pensum » explique Pierre Edouard Bollaert, « c’est aussi l’opportunité d’obtenir des informations inestimables sur le patient, différentes et complémentaires de celles que son médecin traitant peut donner. Il faut inspirer la confiance. Cela peut permettre également de soulager le sentiment de culpabilité qui étreint souvent les proches dans des situations d’urgence et qui peut se traduire par une agressivité de façade. » 
Une nouvelle mise en situation est organisée sur le même scénario mais avec des étudiants différents et l’intervention cette fois-ci, dans le rôle de la mère, de quelqu’un de la sphère publique complètement à distance de toute culture médicale. De fait, dès le démarrage du jeu de rôle, la dimension émotionnelle est plus visible : la tension palpable déstabilise le médecin en formation, surpris de ce débordement de paroles et d’agressivité. Les étudiants observateurs, également interpellés par la dimension émotionnelle que prend la scène, sont plus qu’attentifs, presque captivés.
Pourtant, le médecin en formation va puiser dans l’exercice précédent les ressources nécessaires pour ne pas se laisser déborder et, petit à petit, sa patience, son regard direct, sa détermination, vont parvenir à calmer son interlocutrice et lui permettre d’engager le dialogue.
De nouveau, le débriefing permet l’expression libre des opinions et, ce faisant, donne à la relation entre le sénior et les médecins en herbe une proximité bienveillante propice à la progression. « Il faut penser également, dans ce premier entretien, à encourager la désignation d’un ou deux interlocuteurs maximum pour toute la famille » complète le chef de service, « c’est plus facile à gérer. Il ne faut pas oublier non plus, si la situation s’y prête, d’évoquer la question du don d’organes. Ce n’est pas évident et il n’est pas approprié bien sûr de le faire dès le premier entretien. Mais une fois que le patient a été visité, il faut aborder le sujet si nécessaire. » Les questions fusent et la séance de formation se poursuit à la satisfaction générale des étudiants malgré les réticences du départ : « Les jeux de rôles ce n’est pas vraiment notre tasse de thé ! », « Cela peut être gênant de se mettre en situation devant les autres, nous n’avons pas l’habitude », « C’est bien, il faudrait que ce soit proposé aux internes… » 

Ce mode d’initiation des futurs médecins aux relations humaines sous la forme de jeux de rôles ne fait pas encore vraiment partie du cursus classique des études de médecine. Une réalité qui peut surprendre à l’heure où les associations de patients réclament des améliorations dans les relations médecin – patient. « La communication reste le parent pauvre des études de médecine. Pourtant je suis convaincu qu’elle est très importante » argumente le réanimateur. « Ce qui fait souvent reculer les enseignants, c’est que ce sont des travaux en groupes de 10 étudiants maximum, donc avec des promos de 300, c’est une charge de travail colossale ! C’est pour cela qu’il faut profiter de la présence des étudiants en stage clinique : il faut les prendre par la peau du dos et s’en occuper. C’est un point clef.»

A l’heure où beaucoup de médecins sont convaincus que les formes d’enseignement interactives à forte charge ludique ou émotionnelle se révèlent plus efficaces que les méthodes traditionnelles soporifiques et peu profitables, mettre en situation des étudiants en médecine face à leurs camarades, c’est un peu comme dans une représentation théâtrale : le stress les conduit automatiquement à sortir du strict savoir scientifique. « A l’image des situations d’échec qui sont extrêmement formatrices dans la vie en général, qui marquent émotionnellement et font mémoriser les choses de façon durable et entraînent une révision des conduites habituelles, le jeu de rôle agit comme un petit électrochoc. Mais attention, nous ne faisons pas de formation par l’échec, bien au contraire ! » conclut le Pr Pierre Edouard Bollaert.

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