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Jérôme Pourrat : « L’aumônier est un facteur de paix dans l’hôpital. »

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Jérôme Pourrat, aumônier au CHU de Saint-Etienne. Crédit Photo : Adrien Morcuende
Sensibiliser le personnel soignant et informer les patients sur leur droit au culte à l’hôpital public, et ce quelle que soit leur religion. C’est le quotidien de Jérôme Pourrat, aumônier depuis quatre ans au CHU de Saint-Étienne. Dans le cadre de notre série vidéo Les Chuchoteurs !, l’ex photographe a accepté de revenir sur son parcours et sur ses missions.

Présentez-vous ! 

Je suis Jérôme Pourrat, j’ai quarante-sept ans et je suis aumônier au CHU de Saint Etienne depuis bientôt quatre ans. J’étais jusqu’alors photographe et lorsque j’ai vendu mon magasin et changé de carrière, étant donné ma foi, mes convictions et mon parcours chrétien, la délégation de santé de mon diocèse m’a proposé ce poste et m’a formé. 

Pouvez-vous nous expliquer le rôle d’un aumônier ? 

Un aumônier a deux missions officielles. La première est celle d’être le représentant du culte au sein de son établissement pour les patients, leur famille et le personnel soignant. La deuxième mission est d’être à l’écoute de la souffrance spirituelle au sens large, des patients. 

À quoi ressemble une journée type ?

C’est d’abord répondre à la demande qui peut être de différentes formes, ça peut être simplement des personnes qui demandent la présence d’un ministre du culte pour, par exemple, la prière, des conseils etc. « Est-ce-que ma religion me permet de faire telle chose, est-ce que j’ai le droit de telle autre… » Pour les catholiques ça peut être de recevoir la communion, ça peut être des baptêmes en urgence et même si c’est en minorité les choses que nous faisons, ça peut être notre présence lors de la fin de vie. Bien sûr, cela peut être certaines demandes spécifiques, des sacrements qui vont parfois demander la présence d’un prêtre. 

Tous les cultes ont-ils leur aumônerie ? 

L’aumônerie au sein d’un CHU représente un culte. Il y a trois cultes représentés sous forme d’aumônerie au CHU à Saint-Étienne : l’aumônerie protestante, catholique et musulmane. Toutes les autres confessions et religions ont des référents par lesquels on peut s’orienter si nous en avons la demande. Chaque demande peut passer par les différentes aumôneries. 

Entrée de l'aumônerie (CHU de Saint-Etienne). Crédit Photo : Adrien Morcuende

Avez-vous une formation soignante ?

Nous avons trois formations : de droit car nous sommes titulaires d’un diplôme universitaire de droit des religions et laïcité. Une deuxième qui est une formation d’écoute, et la troisième qui est plutôt liturgique. Quand je dis qu’on fait partie du personnel soignant, c’est que notre avis en tant qu’écoute spirituelle peut rentrer dans le soin et le bien-être de la personne. 

En quoi la pratique d’une religion peut-il favoriser, aider ou faciliter la prise en charge et le parcours de soins ? 

C’est le contraire. Quelqu’un qui est croyant ou pratiquant, le fait qu’il n’accède pas à sa pratique peut être catastrophique, notamment dans l’approche de la fin de vie. Pour pouvoir accéder à sa pratique lorsque l’on est, ne serait-ce que hospitalisé, c’est forcément quelque chose qui fait que l’on va mieux se soigner, mieux être apte à recevoir le soin. On va être pris en charge dans la globalité et il y a plein de gens qui pensent qu’ils n’ont pas le droit d’avoir accès à leur pratique. Quand ils le savent, c’est un vrai soulagement. 

Pâques est dans trois jours. Une personne catholique arrive à l’hôpital complètement désoeuvrée, et le personnel soignant ne comprend pas. Là dessus un aumônier passe et la personne va implorer parce qu’elle pensait ne pas pouvoir prier et recevoir la communion pour Pâques, ce qui, pour un catholique, est quelque chose d’extrêmement important. Accéder à la communion le jour de Pâques a été un soulagement énorme, à tel point que le personnel soignant est venu nous voir en nous demandant ce que l’on avait fait. Parce que la personne s’en est trouvée soulagée pendant tout le temps de son soin à l’hôpital.

La chapelle du CHU de Saint-Etienne, relique architecturale érigée avant la loi de 1905. Crédit Photo : A.M

Les patients ne sont donc pas conscients d’avoir le droit à leur pratique dans un établissement public et laïc ?

La laïcité est souvent mal comprise, les patients qui se savent dans un établissement public croient que c’est un lieu dans lequel la religion est absente. Dans un hôpital public, la laïcité est le contraire : la protection de la religion. Il faut que le patient en soit informé pour accéder à sa religion lorsqu’il ne peut pas faire sa pratique tout seul. Cette information, il faut qu’elle passe de différentes manières, notamment par le personnel soignant. S’il arrive à voir que la personne est pratiquante, il peut la mettre au courant de cette possibilité et à ce moment-là, faire appel à nous. 

Diriez-vous que le patient pratiquant est privé de ce droit de culte à l’hôpital ou, au contraire, qu’il y a un accès total ? 

Au CHU de Saint-Étienne, le patient croyant est très bien pris en charge puisqu’il y a des services d’aumônerie avec une existence tout à fait officielle. Là où la patient peut être privé de sa pratique c’est quand lui-même croit qu’il n’y a pas le droit. Il se censure lui-même. C’est souvent que le patient dit qu’il ne savait pas que l’on pouvait appeler un aumônier, un ministre du culte. Il faut donc l’informer à tout prix.

Qu’en est-il des demandes spécifiques et/ou pratiques propres à chaque religion (alimentation etc.) ? Sont-elles acceptées ? 

De la même manière qu’il faut informer les patients sur leur droit au culte, il faut informer les soignants sur le droit au culte des patients. Par le biais des aumôneries, les soignants peuvent trouver des réponses à des questions dont ils ne possèdent pas la réponse. “Est-ce que j’ai le droit de prendre un médicament pendant que c’est le carême ou pendant que c’est le ramadan ?” Le personnel soignant n’a pas forcément la réponse, par contre l’aumônier musulman l’aura. 

Comment peut-on améliorer l’information autour du droit de culte ? 

Pour moi, la meilleure façon d’informer c’est de former le personnel soignant. C’est-à-dire de le former de deux manières, soit directement dans les écoles. Être sensibilisé à l’écoute spirituelle. L’OMS a mis quatre sphères constitutives de l’Homme et la spiritualité est une de ces sphères. Si on apprend ça quand on est étudiant, on va faire attention à la sphère spirituelle donc religieuse. La deuxième façon est de former le personnel existant, notamment sur ces besoins là. C’est un sujet tabou et la laïcité passe forcément par la prise en compte de la religion. Je suis convaincue que former le personnel soignant fait partie du fait que le patient sera plus informé parce que le religieux et le spirituel seront mieux pris en compte. 

Au CHU de Saint-Etienne, les gens sont-ils formés ? 

Ils ont été formés et une formation est en cours notamment sur la laïcité et donc au droit au culte. Je participe à l’élaboration de cette formation qui aura lieu sur une ou deux journées avec des cas pratiques. 

Le droit au culte est inclus dans la formation des soignants mais elle est minuscule au milieu du reste. Mais aujourd’hui il y a des écoles, comme la croix rouge, qui font venir des aumôniers pour faire des cours spécifiques sur la laïcité et l’intérêt de la spiritualité dans le soin. 

En quatre ans, y a-t-il eu des patients ou des moments qui vous ont particulièrement marqué ? 

Une fin de vie peut ne pas être douloureuse mais être assez longue, il peut donc y avoir des liens qui se créent à travers la religion. On rentre dans des choses très personnelles. On peut vivre de très belles choses, des relectures de vie à la lumière de nos pratiques et de nos croyances qui sont parfois merveilleuses et exemplaires.

Photographie d'une église prise par Jérôme Pourrat. DR

Dans le cadre de vos fonctions, avez-vous parfois à votre tour besoin de parler ? 

Dans l’hôpital où on est, on a plusieurs services d’urgences, notamment les urgences pédiatriques et néonatales. On vit parfois des choses qui ne sont pas simples du tout et on est obligés par notre diocèse, de suivre une supervision tous les mois. De plus, nous avons régulièrement des relectures en équipe. On a parfois des moments un peu durs à vivre et ces relectures sont indispensables pour qu’on puisse faire notre métier sereinement, sachant qu’on a en plus les psychologues du CHU qui sont à notre écoute si besoin. Il faut, comme plein de métiers soignants, qu’on se sente protégés pour qu’on puisse faire ce métier librement et paisiblement. 

Vous parlez de relectures. A quels textes faites-vous référence ? 

La personne écrit la visite qu’il a faite d’une manière totalement objective, il explique la visite telle qu’elle s’est passée. Ensuite nous en parlons tous ensemble, l’idée est d’essayer de voir ce qui était en jeu, quelle analyse de la situation nous pouvons faire. Après, nous remettons cette visite à la lumière de notre pratique. 

Au début de cet entretien, vous disiez avoir changé de vie. Est-ce que vous continuez la photographie et, si oui, qu’est-ce-que cette activité vous apporte au quotidien ? 

C’est mon bol d’air ! Quand la journée a été complexe ou un peu lourde, je prends un peu d’oxygène. Mais de l’oxygène on en trouve à plein d’endroits, comme dans sa propre famille avec ses enfants, son épouse et toutes les choses que nous avons dans nos vies, hors CHU. 

Un dernier mot ? 

L’aumônier est un facteur de paix dans l’hôpital. Les patients croyants vont pouvoir être soulagés du côté de leur pratique et toutes les tensions entre familles et patients peuvent être réglées en appelant les services d’aumônerie. 

Jérôme Pourrat entre dans l’aumônerie et choisit un livre dans sa bibliothèque (Le temps précieux de la fin). Le livre ouvert à la bonne page, il nous en lit un passage : 

« Après avoir mis de l’ordre dans ses affaires, Pierre invita ses proches à un grand repas. « Te souviens-tu » était le sujet de conversation le plus en vogue ce soir-là. Le magnifique repas fut suivi de musique et de danse et même si sa faiblesse ne lui permettait pas de danser, Pierre vécu le plaisir d’entendre les rires, les échanges et de parler à chacun de ses invités. » 

Court silence. Et l’aumônier de conclure : « Ce qu’on peut faire c’est qu’on lit ces témoignages, et parfois au cours de certaines visites, on y repense pour faire avancer la discussion. »

Propos recueillis par Adrien Morcuende
Avec Océane Rolland-Ghazi

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