Mai 2012, mois des élections présidentielles, de la victoire de François Hollande et de la nomination de Marisol Touraine à la tête du ministère des affaires sociales et de la santé. Son premier discours prononcé à Hôpital Expo conforte l’hôpital et ses missions de service public et reprend les thèmes chers aux hospitaliers et aux associations de patients. Une allocution entendue par la presse comme la nouvelle feuille de route de l’organisation sanitaire.
Mais en début de mois, l’actualité des CHU a aussi été marquée par la violente agression qui s’est déroulée aux urgences de Grenoble.
« Marisol Touraine cajole d’emblée les hôpitaux publics » résumait Vincent Collen dans les Echos du 23 mai, et l’Express titrait « Marisol Touraine rend hommage à l’hôpital public ». Le 22 mai, l’AFP proclamait « l’hôpital de nouveau service public » précisant que la loi Hôpital Patients Santé Territoires (HPST) de 2009 n’évoquait que des "missions de service public". Un rétablissement sémantique très apprécié par les professionnels présents au salon. Marisol Touraine a aussi rappelé ses "valeurs fondamentales "l’égalité d’accès aux soins, la non sélection des patients, une offre de qualité pour tous, la réponse à l’urgence".
Les médias ont aussi insisté sur sa volonté d’encadrer les dépassements d’honoraires jugés excessifs et incompatibles avec les valeurs du service public, d’adapter la tarification à l’activité (T2A) qui représente plus de 70 % du financement des établissements ; la ministre a d’ailleurs pointé ses effets inflationnistes puisqu’elle incitait les établissements à multiplier les actes les plus rémunérateurs ; Vincent Collen prévoit que la « part de la T2A dans le financement des hôpitaux pourrait être réduite et à l’inverse, es missions d’intérêt général, mieux reconnues ».
La ministre annonce aussi la fin de la convergence des tarifs entre les hôpitaux et les cliniques. A ce sujet, Vincent Collen a précisé que « les tarifs sont, en moyenne, plus élevés de 22 % dans le public que dans le privé. La droite s’employait à les rapprocher, très progressivement, pour faire des économies tout en obligeant les établissements à mieux tenir leurs coûts. Or cette démarche « n’a pas de sens », a jugé hier Marisol Touraine, car les hôpitaux ne remplissent « pas les mêmes missions » que les cliniques et n’accueillent pas « les mêmes patients ».
Pour mener à bien ces projets, "des aménagements bien négociés" préférables aux grandes réformes car "les lois d’affichage n’aboutissent en général qu’à fragiliser à la fois les structures et les personnels" a repris France Soir le 22 mai.
Enfin, concernant la lutte contre les déserts médicaux, Marisol Touraine croit aux projets locaux. Elle a évoqué « une garantie territoriale d’accès aux soins », qui passera par la mise en place de dispositifs locaux par les acteurs de proximité » a retenu Fabien Piliu dans la Tribune du 22 mai.
Le mois de mai 2012 avait mal commencé. La profession était en émoi suite à un événement dramatique : l’agression d’un médecin urgentiste et de personnels soignants aux urgences de l’hôpital Michallon (CHU de Grenoble) par une demi-douzaine de personnes. Les faits survenus le 29 avril ont été révélés le 2 mai par le Dauphiné Libéré. L’information a été reprise par l’AFP puis par tous les journaux soulevant une vive émotion au sein de la communauté médicale et hospitalière et dans l’opinion publique. Les motifs évoqués : les conditions de prise en charge d’une patiente et notamment son hospitalisation dans une chambre sans fenêtre.
« Une scène invraisemblable s’est produite dimanche en fin d’après-midi au service des urgences de l’hôpital Michallon, à Grenoble. rapportait Denis Masliah dans le Dauphiné Libéré Une bande de malfrats a attaqué le personnel soignant et a semé la dévastation, frappant violemment à la tête un médecin et blessant trois autres membres du personnel venus à son secours. « Si l’aide-soignant n’avait pas protégé de son corps le médecin, ce dernier ne serait peut-être plus là pour témoigner. La sécurité va être renforcée. Dans ce service, on récupère tous les maux de la société, et il suffit d’une goutte d’eau pour tout faire déraper.” Olivier Di Rago, secrétaire du CHS-CT du CHU de Grenoble.
« Nous avions déjà été victimes d’agressions, mais pas aussi graves », explique Françoise Carpentier, chef du service des urgences du CHU de Grenoble « Le personnel est très choqué : nous ne sommes pas là pour nous faire frapper mais pour soigner. » dans le Figaro 2 mai 2012. « Cette agression ignoble est très dure à vivre sur le plan psychologique. Cela provoque un traumatisme qui peut durer longtemps. Mais on ne va pas mettre des vigiles, des policiers partout dans l’hôpital. On n’est pas dans une prison. On est là pour soigner » témoigne le docteur Jean-Paul Brion, président de la CME du CHU de Grenoble dans le Parisien 3 mai 2012
Un événement révélateur d’une montée des tensions au sein des services hospitaliers et d’une radicalisation des agressions. « Soigner est désormais vécu comme une activité à risques dans certains services», remarque Loïc Ricour, directeur du pôle santé du Défenseur des droits dans le Figaro du 4 mai 2012. Ces dernières années, les hôpitaux ont mis en place diverses mesures pour contrer ce phénomène. «Nous avons désormais des vigiles, parfois accompagnés de maîtres-chiens, à toutes les entrées stratégiques de nos établissements. Cette présence humaine rassure le personnel », explique Bastien Ritert, directeur de cabinet du directeur général des Hôpitaux de Marseille dans La Croix 4 mai 2012.
Dans un communiqué, la direction générale du CHU de Grenoble a condamné cette agression avec la plus grande fermeté. Elle a salué le sang-froid et le professionnalisme des médecins et personnels blessés qui ont évité, par leur courage, que cette agression n’ait de plus graves conséquences.
Le ministre du Travail et de la Santé Xavier Bertrand et la secrétaire d’Etat à la santé Nora Berra ont transmis leur "plus entier soutien" au médecin agressé dimanche ainsi que" leurs félicitations et leur reconnaissance pour leur attitude exemplaire" aux personnels de santé qui sont intervenus si courageusement pour porter secours à ce médecin.
L’association des médecins urgentistes de France (AMUF), présidée par le Dr Patrick Pelloux, a exigé mercredi des "sanctions exemplaires" contre les auteurs d’une agression contre un médecin de l’hôpital de Grenoble (Isère) survenue dimanche. Se déclarant "scandalisée par l’extrême violence, ignoble, préméditée" de l’agression, l’AMUF a réclamé que "tous les moyens de police et de justice soient mis en œuvre pour arrêter ces individus et que les sanctions soient exemplaires". "L’ensemble des soignants et des personnels des urgences partout en France ne sont pas là pour se faire battre et subir la violence de la société", a ajouté M. Pelloux dans un communiqué. AFP 2 mai
Le 4 mai, 80 membres du personnel de l’hôpital de Grenoble ont organisé sit-in devant le service des urgences en soutien à leurs collègues violemment agressés dimanche, et afin de demander une amélioration de leurs conditions de travail et de la sécurité, ont relaté l’AFP et Europe 1
Le 10 mai, la presse annonçait les peines prononcées par le tribunal correctionnel de Grenoble à l’encontre des agresseurs qui s’étaient présentés d’eux-mêmes au Commissariat. « Jugés en comparution immédiate, Laurent Nobre, 28 ans, fils de la patiente hospitalisée, a été condamné à 10 mois de prison ferme tandis que son ami, Gilles Prunier, 25 ans, écope de 5 mois de prison avec sursis. La procureure de la République a dénoncé à l’audience un "acte prémédité", une "expédition punitive", une "scène d’une violence extrême". » citait l’Express.
A retenir également
Le report du premier procès pénal du Mediator au 14 décembre 2012 pour des raisons de procédure. Un coût dur pour les victimes selon Irène Frachon, la pneumologue du CHU de Brest qui fut la première à dénoncer les risques de ce médicament ; un désappointement repris le 21 mai par les agences de presse et journaux nationaux et régionaux « Environ 600 parties civiles ont misé sur une citation directe pour tromperie aggravée afin d’obtenir rapidement réparation, sans attendre la fin de l’instruction menée, notamment pour ces faits, au pôle Santé de Paris. »
Les 10 ans de la première implantation mondiale d’une valve aortique par voie percutanée mise au point par le Pr Alain Cribier, cardiologue au CHU de Rouen. 10 ans plus tard, 50 000 personnes dans le monde ont bénéficié de cette avancée thérapeutique. Un exploit célébré par le CHU de Rouen le 13 mai et salué en avant-première par Anne Prigent dans le Figaro du 22 avril.
L’appel d’offres émis par une vingtaine de CHU pour réaliser un emprunt obligataire groupé d’environ 200 millions d’euros. Les hôpitaux de Marseille et Lyon, qui ont du mal à emprunter auprès des banques, espèrent récupérer respectivement 35 et 30 millions d’euros. L’information est traitée par Julie Chauveau et Olivier Ducuing dans Les Echos du 22 mai. Les journalistes rappellent que « les CHU avaient déjà eu recours à ce type de financements en 2009 et 2010, respectivement pour 250 et 167 millions d’euros »
Dans le même quotidien, Philippe Legueltel passe au scanner la situation financière du CHU de Caen dont le déficit cumulé atteint 118 millions. « Classé 6ème CHU le plus endetté de France, Caen éprouve de plus en plus de difficultés pour emprunter malgré un net redressement de ses résultats financiers. En 2011, l’établissement a perdu 9,2 millions d’euros alors qu’il avait enregistré un déficit de 19,7 millions d’euros en 2010 et 37,2 millions en 2009. »
Coup de tonnerre dans le ciel lyonnais suite à la notificatin de l’Agence régionale de Santé de Rhône-Alpes de réduire de 31 millions d’euros la dotation des Hospices Civils de Lyon. La réaction du conseil de surveillance du CHU présidé par Gérard Collomb, sénateur-maire de Lyon ne s’est pas faite attendre. Dans un courrier rendu public, il en appelle à la ministre de la Santé pour réviser cet arbitrage. Elisa Frisullo dans 20 minutes et Marie-Annick Depagneux dans les Echos du 31 mai listent les conséquences pour l’institution : incapacité de présenter un état prévisionnel de recettes et dépenses pour l’exercice 2012 et d’atteindre l’équilibre financier en 2013, retard des investissements pourtant indispensables comme la rénovation de l’hôpital Edouard Hérriot. Les journalistes rappellent les efforts accomplis en trois ans qui ont permis de ramener le déficit principal à 29 millions en 2011 contre 94 millions en 2008, au prix notamment de « 800 suppressions de postes et la fermeture de 5 des 19 sites hospitaliers ».
Marie-Georges Fayn
Relay H, un réseau très hospitalier |