Le mois de mai 2020 a été marqué par les premières étapes du déconfinement, le reflux de l’épidémie, le débat sur l’hydroxychloroquine et le lancement du «Ségur de la santé», une concertation destinée à définir les modalités d’amélioration des conditions de travail et de rémunération des professionnels de santé.
Le 18 mai, Eric Favereau part dans Libération à la recherche du patient zéro : « Et si l’épidémie de coronavirus avait débuté en France bien avant la fin du mois de janvier ? «Les premiers cas de Covid-19 ? On aura sûrement des surprises», lâche le professeur William Dab, ancien directeur général de la santé. «Les premiers cas sont sûrement survenus bien avant le début de l’année 2020, contrairement à ce que l’on a pu croire au départ, abonde Dominique Costagliola, épidémiologiste. En plus, il peut y avoir eu plusieurs introductions de virus, celui-ci circulant faiblement, à bas bruit.» Cette chercheuse renommée dresse une comparaison : «Regardez le VIH. Les premiers cas officiellement détectés surviennent en 1981, on a parlé alors d’un patient zéro, en l’occurrence un steward. Or on sait maintenant que les premiers cas humains remontent aux années 30. On peut même dater, avec la phylogénétique, le passage du rétrovirus du singe à l’homme.»
Quelle que soit sa date d’apparition, la crise sanitaire aura révélé l’urgence de réformer l’hôpital. Avec comme première étape l’organisation d’un Ségur de la Santé. « En ouvrant lundi le « Ségur de la santé » – du nom de l’avenue où se trouve le ministère de la santé –, Edouard Philippe a promis que « le quotidien des personnels soignants » à l’hôpital changerait « dans les tout prochains mois », en précisant que la question du temps de travail n’était « pas un tabou » et en réaffirmant que la revalorisation des salaires serait « significative ». « Ce que je crois, c’est que la crise exige de nous, non pas de changer de cap, mais de changer de rythme », a insisté le premier ministre. Il a souligné que « cette concertation générale » entre le gouvernement et les partenaires sociaux déboucherait sur des décisions « en juillet » précise Le Monde le 25 mai.
« Dans le cadre du dernier "plan hôpital", "nous avions annoncé la reprise d’un tiers de la dette des hôpitaux publics, soit 10 milliards d’euros, ainsi que le lancement d’un plan d’aide à l’investissement de proximité de 150 millions d’euros par an", a rappelé M. Philippe. "Il faut aller plus loin", a estimé le chef du gouvernement. "Nous lancerons donc un vaste plan d’aide à l’investissement qui viendra compléter cette reprise massive de dette", a poursuivi Edouard Philippe », complète Sud-Ouest qui rappelle par ailleurs que « La CGT donne pour sa part rendez-vous chaque semaine pour "les mardis de la colère", avec en ligne de mire une grande mobilisation nationale le 16 juin ».
Un rendez-vous acté il y a plusieurs semaines comme le rappelle Le Figaro dans son édition du 19 mai « Les personnels soignants vont redescendre dans la rue. Sur Twitter, le collectif Inter-Urgences, un des fers de lance de la contestation des soignants depuis plus d’un an, appelle ce mardi à un «rendez-vous dans la rue» le 16 juin. «Nous tiendrons le cap de nos revendications. Nous sommes toujours présents et déterminés pour que la voix des personnels de terrain soit entendue et pas seulement celle des mêmes pontes habitués des couloirs du Ministère. Rendez-vous le 16 juin dans la rue !» peut-on lire dans un message posté sur Twitter. »
La difficile équation
Pour Public Sénat, « une équation difficile attend en tout cas le gouvernement. Il devra répondre aux attentes très fortes des soignants tout en respectant des contraintes budgétaires aggravées par la crise liée au covid. C’est sa crédibilité qui est en jeu, estime le sénateur socialiste Bernard Jomier. « Si Olivier Véran n’est pas le ministre d’un nouveau cap, un cap où l’hôpital public sait ce que l’on attend de lui, quelles sont ses missions et comment il doit travailler avec les acteurs de santé, on court à la catastrophe ». Pour le sénateur René-Paul Savary, le gouvernement joue gros « ces grandes commissions, on les met sur pied quand on ne sait pas où l’on va, il faut voir les conclusions qui en seront tirées ». Mais selon, lui le gouvernement ne choisit pas le bon moment pour réformer l’hôpital, « On ne produit jamais de bonnes lois en période de crise ». Selon Les Echos, « les premières estimations circulant dans les sphères de l’Etat montrent, selon nos informations, un coût potentiel de 5 à 6 milliards d’euros par an pour une hausse des salaires des infirmiers et des aides soignants. En incluant les médecins et les personnels non-soignants, la Fédération hospitalière de France table sur 7 à 8 milliards d’euros par an pour les seuls hôpitaux publics, hors recrutements. »
Et dans ce contexte de réforme, les tribunes se multiplient. Le 22 mai, dans Le Point, Amine Umlil, pharmacien hospitalier, responsable du Centre territorial d’information indépendante et d’avis pharmaceutique, au centre hospitalier de Cholet ne mâche pas ses mots : « L’hôpital public souffre, avant tout, du désordre qui règne en son sein. Il est victime de la dispersion de ses moyens. Les intérêts catégoriels et personnels se sont substitués à l’intérêt général. Le choix des praticiens, appelés à participer à la direction de l’hôpital, se fait en fonction de leur aptitude à la soumission ; et non pas selon le contenu de leurs curriculum vitae (CV). Les compétences importent peu : elles font même peur. Le directeur écarte tous ceux qui sont capables de lui apporter une contradiction utile. »
L’hydroxychloroquine au cœur de la polémique
Le mois de mai a également vu naître une polémique scientifique sur l’usage de l’hydroxychloroquine. Comme l’indique Europe 1 le 23 mai,: « Après la publication d’une étude d’envergure dans "The Lancet", une revue médicale britannique, qui pointe les dangers potentiels du médicament face au coronavirus, le ministre de la Santé a indiqué samedi avoir saisi le Haut Conseil de la Santé publique pour faire réviser ses règles de prescription. "J’ai saisi le HCSP (Haut conseil de la Santé publique, ndlr) pour qu’il l’analyse et me propose sous 48 heures une révision des règles dérogatoires de prescription", a indiqué Olivier Véran dans un tweet. »
En réaction, « Raoult qualifie de « foireuse » l’étude remettant en cause l’hydroxychloroquine », titre Le Parisien le 25 mai. Le professeur Didier Raoult réagit à l’étude publiée dans The Lancet. « Je ne sais pas si ailleurs l’hydroxychloroquine tue, mais ici elle sauve des vies », lance-t-il sur sa chaîne YouTube. « Ici, il nous est passé 4 000 malades dans les mains, ne croyez pas que je vais changer parce que des gens font du “big data”, une espèce de fantaisie complètement délirante, qui prend des données dont on ne connaît pas la qualité et qui mélange tout […] », ajoute le Pr Didier Raoult dans l’Obs le 25 mai.
Mais le 27 mai, le gouvernement a abrogé les dispositions dérogatoires autorisant la prescription de l’hydroxychloroquine contre le Covid-19 à l’hôpital en France, hors essais cliniques, à la suite d’un avis défavorable du Haut conseil de la santé publique, selon un décret au Journal officiel. Comme le rappelle 20 minutes, « depuis fin mars, outre les divers essais cliniques chargés d’en évaluer l’efficacité, l’hydroxychloroquine – médicament dérivé de l’anti-paludéen chloroquine – pouvait être prescrite à titre dérogatoire à l’hôpital et uniquement pour les patients gravement atteints, sur décision collégiale des médecins. »
Mea culpa
Retenons également le témoigne de François Hollande le 25 mai sur France Inter « Depuis des années, poursuit-il, on a contraint l’hôpital et on a imposé, j’ai pris ma part, je ne veux pas m’exclure, mis en place une sur-administration et c’est ce que les médecins rejettent : le codage d’actes, une tarification qui les a obligés à passer plus de temps, parfois, à remplir des papiers qu’à soigner… Et il y a la question des rémunérations. J’ai essayé d’améliorer les parcours professionnels, de valoriser quelques catégories, aides-soignantes ou infirmières, mais cela ne suffit pas. »
Déconfinement, phase 2
Enfin, le 28 mai, Édouard Philippe, accompagné de plusieurs ministres, a dévoilé l’acte 2 du plan de déconfinement en France. Si de nouveaux assouplissements ont été annoncés s’agissant des conditions de déplacement ou de la réouverture des parcs et restaurants, La Croix rappelle toutefois la nécessaire vigilance :
« Tous les indicateurs sont au vert » annonce Edouard Philippe, à l’exception du Val-d’Oise et de Mayotte. « Nous en sommes là où nous espérions nous trouver à la fin du confinement. » « Partout en France, de nombreux clusters surgissent », prévient cependant le premier ministre, même s’ils sont rapidement maîtrisés."