Près de 10 millions de téléspectateurs étaient au rendez-vous lundi 20 mars sur TF1 pour assister à la première grande passe d’armes des 5 principaux candidats aux présidentielles 2017. Soit la deuxième meilleure audience de l’année pour la chaîne. François Fillon, Benoît Hamon, Emmanuel Macron, Jean-Luc Mélenchon, Marine Le Pen se sont affrontés plus de 3 heures durant lors de ce Grand débat.
Quel modèle de société pour la France ? Quel modèle économique ? Quelle place pour la France dans le monde ? Répondant tour à tour sur ces grandes thématiques, les participants ont mis en évidence les différences entre leurs politiques notamment sur les questions sociales et de santé.
François Fillon met le médecin généraliste au cœur du système de santéPour le candidat Les Républicains: « la priorité c’est de débureaucratiser notre système de santé et remettre les médecins généralistes au cœur de notre système de santé ». « On ne peut pas accepter que la rémunération du médecin baisse par rapport à d’autres métiers de service », s’est-il élevé. Il veut aussi donner de l’autonomie aux hôpitaux et mettre en place des maisons de santé pour lutter contre la désertification médicale.
Benoît Hamon insiste sur le traitement des maladies chroniques« Les questions de santé supposent de réduire les risques ». Benoît Hamon a ainsi mis l’accent sur le traitement et la prévention des maladies chroniques liées aux modes de vie et à l’environnement. Il a réaffirmé dans ce contexte sa volonté d’interdire les perturbateurs endocriniens et de mener une « action implacable » contre les pesticides. Le candidat PS veut aussi lutter contre « les déserts médicaux » et pas par la « coercition », contrairement à ce qu’il en était en début de campagne.
Marine Le Pen pour la suppression de l’AME et une meilleure prise en compte de l’autismeLa présidente du Front national propose de générer une économie en supprimant l’Aide médicale d’État (AME) qui, selon elle, bénéficie directement « aux clandestins ». Ce dispositif qui permet l’accès au soin pendant un an (renouvelable) des sans-papiers étrangers n’ayant pas de ressources et présents en France depuis plus de trois mois, a été mis en place sous le gouvernement Jospin, en 1999. Marine Le Pen défend par ailleurs « le droit à l’oubli » pour les adultes ayant eu un cancer au bout de 5 ans de guérison: « Ces gens n’arrivent plus à trouver un logement ou à s’assurer ». Elle veut aussi une meilleure « prise en compte de l’autisme et des troubles autistiques ».
Emmanuel Macron mise sur la formation et la prévention
« Comment sauver le système de santé? Il faut plus de souplesse pour éviter les déserts médicaux. Des maisons de santé et des professionnels mieux rémunérés assurent la continuité du service », a affirmé le chef de file d’En marche!. « On soigne bien mais on prévient mal. C’est pour ça que je veux un trimestre de prévention pour les étudiants dans leur cursus », a-t-il du reste déclaré. Dans une interview à Femme actuelle le 27 mars, Emmannuel Macron a encore précisé sa position quant à « un tiers-payant généralisable à tous les professionnels de santé qui y sont prêts et qui le souhaitent. Je ne le rends pas obligatoire ». Et d’insister « On ne peut pas financer ce système sur leur dos. Je ne les forcerai pas. »
Jean-Luc Mélenchon veut une sécurité sociale à 100%
Jean-Luc Mélenchon a abordé lui, bille en tête, le sujet de l’assurance maladie. « Il faut créer une sécurité sociale intégrale qui intègre la totalité des frais de santé. C’est assumable », a-t-il précisé. Le candidat de la France insoumise supprimera en revanche le très critiqué RSI, tout comme l’envisage aussi Marine Le Pen.
L’euthanasie agite plus largement les débats
Dans le cadre de leur participation au débat sur TF1, Benoit Hamon et Jean-Luc Mélenchon ont rappelé leur position pour le droit à l’euthanasie. Le premier rappelant qu’il s’agit « un désir profond de nombreuses familles », le second affirmant sa volonté d’introduire ce droit dans la Constitution.
90% des Français s’expriment pour le suicide assisté, 95% pour l’euthanasie et un électeur sur trois se dit prêt à changer de candidat s’il est opposé à l’euthanasie, rapporte, dans ce contexte le sondage Ifop réalisé pour l’Association pour le droit à mourir dans la dignité (ADMD). En amont du débat télévisé, celle-ci avait invité le 18 mars les candidats à l’élection présidentielle à se positionner sur le sujet, lors d’une réunion publique au Cirque d’Hiver de Paris. En ouverture de l’événement, Anne Hidalgo, la maire de Paris s’est personnellement déclarée favorable à une loi sur le droit à mourir dans la dignité: « La devise républicaine est en panne sur ce droit que nous devons conquérir ».
Elle rejoint sur ce point Jean-Luc Mélenchon qui est pour une inscription dans la Constitution.« Je milite pour la constitutionnalisation des libertés fondamentales que sont le droit à l’interruption volontaire de grossesse et le suicide assisté », a indiqué pour sa part Jean-Luc Mélenchon, dans un message vidéo transmis à l’ADMD. Benoît Hamon veut lui légiférer pour donner « une véritable aide à mourir pour les personnes atteintes d’une maladie incurable au moment où elle le souhaite ».
Emmanuel Macron estime quant à lui qu’il « n’est pas opportun de légiférer » trop vite. Plutôt qu’une loi dédiée, il compte aborder le sujet lors de la révision des lois sur la bioéthique, qui se fera dans deux-trois ans. Le chef de file d’En marche! entend ainsi mener un travail préparatoire pour que « ce progrès très attendu, qui devrait déjà être une réalité puisse réunir une large majorité ».
De son côté, François Fillon est fermement contre une nouvelle loi. Son porte-parole, Philippe Juvin, évoque la crainte d’« un glissement d’une euthanasie demandée à une euthanasie économique » des personnes dont la prise en charge serait jugée trop élevée d’un point de vue financier. Plutôt que de légiférer, Les Républicains comptent lutter contre « l’abandon des patients dès qu’ils sont sortis d’un protocole de soins ».
Nathalie Artaud (Lutte ouvrière), estime quant à elle qu’une loi n’est pas suffisante et qu’il convient pour la mettre en pratique de changer « fondamentalement » la société. Son représentant, Marc Peschanski, pointe la loi Claeys-Leonetti qui réalise « un compromis là où il ne peut y avoir de compromis » et dénonce un monde « où la dignité humaine est battue en brèche puisqu’elle se trouve entre les mains des maîtres de l’économie ».
Pour le reste, parmi ceux qui n’étaient pas représentés à cette réunion, Marine Le Pen n’évoque pas cette question dans son programme. Tout comme Nicolas Dupont-Aignan (Debout la France), qui déclare par ailleurs son intention de développer les soins palliatifs. François Asselineau (Union populaire et républicaine) juge que le sujet est « clivant » et doit « être mis de côté pour l’instant ». Jacques Cheminade (Solidarité et progrès) veut « augmenter les moyens dévolus aux unités de soins palliatifs qui sont la meilleure protection contre l’euthanasie ». Jean Lassalle (Résistons !), ne s’est pas encore prononcé sur cette question tout comme Philippe Poutou (Nouveau parti anticapitaliste), ce dernier s’était toutefois déclaré pour le suicide assisté lors de la précédente campagne présidentielle.
Les CHU font entendre leurs positions
A quelques semaines des présidentielles, les responsables de CHU désirent rappeler les enjeux d’un CHU fort pour la santé de la population. Porteurs des valeurs de l’hôpital public, ils ont adressé leurs 17 propositions pour un New Deal aux candidats: pour un CHU garant de l’égal accès aux soins et de l’excellence sur tout le territoire, connecté, attractif en France et à l’international, porteur de progrès social et de croissance économique.
Une position qu’ils ont également fait entendre lors d’une conférence de presse le 7 février réunissant Jean-Pierre Dewitte, président de la Conférence des directeurs généraux de CHU, le Pr Dubois-Randé, président de la Conférence des doyens de facultés de médecine, Pr Michel Claudon, président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME) et Yann Bubien, vice-président de la Conférence des directeurs généraux.
« Il est essentiel de redonner du sens et de l’espoir dans nos missions propres de CHU ». C’est en ces termes que Jean-Pierre Dewitte a posé les enjeux. Tour à tour les responsables ont insisté sur la nécessité de sensibiliser les candidats au rôle des CHU en termes d’expertise de soins, d’enseignement et d’innovation-recherche.
Une priorité: favoriser la recherche et l’innovation
« Il faut préserver ce qui fait de nous des établissements d’excellence »
Jean-Pierre Dewitte, président de la conférence des directeurs généraux de CHU, directeur général du CHU de Poitiers
La lutte contre les déserts médicaux, un enjeu majeur de la campagne électorale
« Il faut lutter contre l’incompréhension concernant les déserts médicaux : il ne faut pas confondre numérus clausus et démographie médicale »
Pr Jean-Luc Dubois-Randé, président de la conférence des doyens de facultés de médecine, doyen de la Faculté de médecine de Créteil université Paris Est -Créteil- Val de Marne
Réussir le pari d’une meilleure organisation axée sur la solidarité
« Les patients doivent jouer un rôle grandissant en s’associant plus étroitement à leur parcours de soin et à la recherche clinique »
Pr Michel Claudon, président de la Conférence des présidents de commission médicale d’établissement (CME), président de la CME président de la CME du CHU de Nancy
Prendre en compte le fort impact économique et social des CHU
« Les 32 CHU de France représentent les premiers employeurs sur les territoires, les plus gros budgets, les plus gros investisseurs locaux ».
Yann Bubien, vice-président de la Conférence des directeurs généraux de CHU, directeur général du CHU d’Angers
Betty Mamane
Sources :
TF1, Le Monde, L’Express, Le Figaro, Hospimedia