Au sommaire de ce mois d’octobre : le classement inédit des 150 meilleurs médecins, le refus des urgentistes de continuer à chercher des lits et un plan pour ramener le déficit de la Sécu de 16,5 milliards en 2013 à 12,8 milliards d’euros en 2014.
Les 150 meilleurs médecins français
Début octobre, le mensuel économique Capital publiait le palmarès des 150 meilleurs médecins de France dans trente pathologies (cancers, maladies cardiaques, neurochirurgie, chirurgie…). Pas question pour le magazine de classer les centres mais les « chefs » car « Les chances de guérison dépendent plus du médecin que de la réputation de l’établissement qui vous soigne ». Dans ce tableau d’honneur, 88 praticiens (et non pas 75 comme l’affirme la journaliste Sandrine Trouvelot) exercent en CHU* et 2 médecins sur 3 sont basés en province. Et souligne la journaliste « 1 sur 3 n’est pas professeur des universités mais simple docteur et ne fait pas de recherche. »
Autre enseignement : « Dans de nombreux domaines, les spécialistes français se retrouvent aux 1ères places mondiales, à peu près à égalité avec leurs confrères américains et loin devant les allemands ou les britanniques notamment pour la pose de stent, la chirurgie de la colonne vertébrale, cancer du foie et des voies biliaires…)
La méthodologie s’appuie sur les données du site spécialisé dans les conseils aux patients à la recherche d’un deuxième avis médical http://www.somedical.com/. Le magazine a interrogé 150 experts, dont une centaine de médecins pour établir la liste des praticiens les plus compétents. A ces recommandations s’ajoutent des critères quantitatifs comme le nombre de publications scientifiques et aussi l’utilisation d’équipements de pointe, le recours à la chirurgie mini-invasive.
Le fondateur du site, le Dr Maurice Soustiel a constaté des disparités énormes entre les approches médicales et les techniques utilisées et retient l’exemple des tumeurs cérébrales qui seront traitées en chirurgie ouverte si l’équipe ne dispose pas d’équipement radiochirurgical comme le Gamma Knife. Le magazine dénonce au passage l’ampleur des dépassements d’honoraires.
L’excellence des professionnels « ne profite pas à tous ». « S’il y a un domaine dans lequel on n’est pas tous égaux, c’est bien celui de la santé. » explique la journaliste. Question d’argent bien-sûr. Mais aussi de carnet d’adresses, de pénurie ou plutôt de mauvaise répartition des praticiens – L’exemple donné est celui de l‘Eure avec 172 praticiens pour 100 000 habitants contre 800 à Paris-, de différences dans les pratiques -pour une même pathologie, les taux d’intervention varient de 1 à 4 selon les régions -. Et de dextérité. Un tableau pas très rassurant pour Guy Vallancien qui déplore que les conditions de qualité et de sécurité ne soient pas toujours réunies dans les blocs. « Sur les 110 salles d’opération que Guy Vallancien recommandait de fermer seules une trentaine l’ont été » conclut la journaliste.
Ils ont dit
Claude Leicher, président de MG France « Les dépassements d’honoraires devenus monnaie courante pour 86% des chirurgiens, 77% des gynécologues et 60% des ophtalmologistes, taux bien supérieur en Ile-de-France, Paca ou Rhône-Alpes ». Résultat « Un système à deux vitesses » où la variable d’ajustement est la file d’attente. Une situation d’autant plus préoccupante que « près d’un quart des praticiens a plus de 60 ans ».
Guy Vallancien « Pour la radiologie nous étions leader jusqu’à ce que la Compagnie Générale de Radiologie soit vendue à Général Electric. Aujourd’hui les américains sont les meilleurs dans cette discipline- Même chose en chirurgie où les sociétés innovantes sont rachetées par les étrangers. »
« Il faudrait avoir le courage de créer un vrai système d’évaluation avec des éléments quantifiables. Pour les chirurgiens les taux de décès, de saignement en comptant le nombre de flacons utilisés (de 1% 0 10% ou encore le taux de complication ou d’envoi dans un autre service (1à 3%) – cela permettrait d’éliminer 5 à 10% des chirurgiens qui n’ont pas le geste sûr ».
Xavier Bertrand « Il faut mener une réflexion d’ensemble sur le financement de notre système de santé, pour faire des choix sur ce que l’on remboursera, ou pas. On ne peut pas continuer à rester dans le flou »
Fronde des urgentistes
Mardi 15 octobre, les syndicats médecins urgentistes Amuf et Samu-Urgences de France ont appelé leurs membres à déléguer aux directions des hôpitaux le soin de trouver des lits d’hospitalisation aux patients – attirant ainsi l’attention des médias sur ce point faible de l’organisation de leurs services, responsable de l’engorgement des services. Habituellement dévolue aux urgentistes, cette tâche, se révèle lourde et chronophage – jusqu’à 30% de leur temps – Elle consiste à contacter les services hospitaliers d’orthopédie, de cardiologie, de médecine interne, d’orthopédie, de neurologie… afin de négocier le transfert des patients. «C’est le principal motif d’engorgement des urgences, selon les syndicats, qui considèrent que l’attente sur un brancard est « délétère » pour le malade. » cite l’AFP dans sa dépêche du même jour.
Selon l’agence, à la mi-journée, les urgentistes « n’étaient pas en mesure d’évaluer la participation au mouvement à la mi-journée. Mardi, les participants au mouvement passaient tout de même un premier coup de fil pour savoir s’il y avait un lit. Si une solution n’était pas trouvée immédiatement pour hospitaliser le patient, ils cessaient de s’acharner à appeler les services l’un après l’autre et demandaient à la direction d’effectuer les recherches à leur place. » Et Patrick Pelloux, président de l’Amuf d’insister « Les urgentistes « ont fait des études pour soigner des gens et pas pour chercher des lits ».
Le Dr Marc Giroud, président de Samu-Urgences de France appelle de ses vœux « une nouvelle culture dans l’hôpital pour que les gens n’attendent plus des heures, des nuits sur un brancard ».
Ce mouvement fait suite au colloque sur les urgences organisé le 30 septembre par Marisol Touraine ministre des affaires sociales et de la Santé au cours duquel le Pr Pierre Carli, président du conseil national de l’urgence hospitalière (CNUH), remettait son rapport et ses recommandations de bonnes pratiques visant à faciliter l’hospitalisation des patients en provenance des services d’urgence.
Lors de cette rencontre les CHU qui assurent près d’un quart des 17,5 millions d’urgences et notamment les plus lourdes, avaient présenté 12 recommandations concrètes à la ministre afin d’améliorer le fonctionnement de leurs services d’urgences et la fluidité du parcours pré-hospitalier et hospitalier des patients. Philippe Domy, président de la Conférence des Directeurs Généraux de CHU et Guy Moulin, Président de la Conférence des Présidents de CME des CHU avaient défendu le principe selon lequel « Les soins non programmés ne doivent pas être la préoccupation des seuls services d’urgences mais l’affaire de tous les acteurs du système de santé. C’est pourquoi les mesures préconisées portent non seulement sur l’amélioration de l’organisation interne des urgences et leurs relations avec les autres services mais aussi en amont sur le déploiement d’une permanence de soins partagée par tous les professionnels : astreinte infirmière en EHPAD, médecins de garde… »
En conclusion du colloque, la ministre avait alors indiqué que 162 établissements allaient bénéficier d’un dispositif prévoyant le déploiement sur trois ans de services chargés exclusivement de gérer les lits.
Le 24 octobre, Le Monde faisait le point sur le mouvement des urgentistes, le quotidien de ces services a-t-il changé ? interrogeait François Béguin, avec en toile de fond une préoccupation « Evitera-t-on leur engorgement cet hiver ? » Réponse optimiste de Marc Giroud, président de SAMU-Urgences de France qui constate qu’une « majorité d’établissements a réorganisé l’algorithme des entrées et des sorties ». Des signes positifs ont été adressés à la profession comme la publication par l’APHP d’une charte de l’hospitalisation en aval. Le journaliste note que « Dans les faits, aucun patient n’a été pénalisé par la décision des urgentistes ». Véronique Anatole-Touzet, directrice générale du CHR de Metz-Thionville et représentante de la conférence des directeurs généraux de CHU et CHR constate aussi avec satisfaction « Globalement, sur l’ensemble des CHRU, il n’y a pas eu de difficulté majeure », se félicite, elle aussi,. « Même si tout n’est pas réglé », il y a eu « une vraie prise de conscience collective » autour de ces questions « traitées depuis de nombreux mois ».
Bien qu’il soit convaincu que « les urgences seront moins engorgées cet hiver », Marc Giroud, donne tout de même rendez-vous à la presse le 15 décembre « Il met actuellement en place des indicateurs pour mesurer les effets de la concertation d’octobre et repérer les mauvais élèves. Il prévient qu’il n’aura « plus de réserves à donner les noms des hôpitaux où la direction ne joue pas le jeu. » conclut le journaliste. Rendez-vous est donné !
Projet de loi de financement de la Sécurité Sociale (PLFSS)
Mardi 22 octobre, les députés ont examiné le projet de loi de financement de la Sécurité sociale (PLFSS) pour 2014 qui vise non pas l’équilibre mais une réduction des déficits qui doivent être ramenés sous la barre des 13 milliards d’euros, à 12,8 milliards d’euros (6,2 milliards d’euros pour la branche maladie) contre 16,5 milliards estimés en 2013 (7,7 milliards d’euros pour la branche maladie). Un objectif relayé par toutes les rédactions qui ont également repris les mesures phares du PLFSS.
En perspective
de nouvelles économies à hauteur de 4,4 milliards d’euros…
Dont 2,4 milliards d’euros pour la branche dépenses d’assurance maladie (ONDAM) de +2,4% pour la ville et de 2,3% pour l’hôpital, et près d’un milliard d’euros sur les médicaments avec la baisse de leurs prix – qu’ils soient sous brevet ou vendus en ville et à l’hôpital, l’optimisation du prix des génériques et la vente à l’unité de certains antibiotiques (960 millions d’euros). De leur côté les hôpitaux doivent économiser 440 millions d’euros sur leurs achats et la pertinence des actes. Enfin le projet prévoit la baisse tarifaire des biologistes et radiologues libéraux (130 millions d’euros), la maîtrise des coûts de gestion des caisses d’assurance maladie (500 millions d’euros) et la maîtrise médicalisée des dépenses (600 millions d’euros).
… de nouvelles recettes pour un montant de 4,2 milliards d’euros.
Le gouvernement table sur la réforme des retraites (1,7 milliard d’euros), la baisse du plafond du quotient familial (1 milliard d’euros), la participation des employeurs aux contrats collectifs de complémentaires santé (960 millions d’euros), de nouveaux prélèvements essentiellement sur l’épargne des ménages (450 millions d’euros grâce à la taxation uniformisée à 15,5% des plus values – assurance vie), la taxation des boissons énergisantes (60 millions d’euros)…
Et 2 milliards d’euros de transferts de recettes de l’Etat vers la sécurité sociale
«Le texte, qui compte environ 70 articles sur lesquels ont été déposés quelques 700 amendements, prévoit aussi d’expérimenter sur une période de trois ans la vente de médicaments antibiotiques à l’unité». précise l’AFP dans sa dépêche du 22 octobre.
Dans la nouvelle stratégie nationale de santé, certaines dispositions intéressent directement les hôpitaux comme la réforme de leur financement. Des expérimentations de tarification au parcours sont prévues pour l’insuffisance rénale chronique qui sera financée par le fonds d’intervention régional et en radiothérapie pour le traitement des cancers du sein et de la prostate. Il est aussi envisagé de financer de manière adaptée des activités isolées afin de permettre le maintien d’une offre hospitalière de proximité. En prévision également une dégressivité tarifaire pour réguler les effets inflationnistes de la T2A. Enfin on retiendra la volonté d’accélérer la mise à disposition des produits de santé et des actes innovants et évalués, en particulier dans le secteur des dispositifs médicaux (DM).
L’examen de ce PLFSS se poursuivra toute la semaine et devrait s’achever lundi, avant un vote solennel mardi. Le Sénat se saisira du texte à partir du 12 novembre.
L’examen de ce PLFSS se poursuivra toute la semaine et devrait s’achever lundi, avant un vote solennel mardi. Le Sénat se saisira du texte à partir du 12 novembre
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*A ce propos il est intéressant de noter que des établissements comme par ex l’hôpital Pontchaillou, le nouvel hôpital civil de Strasbourg, l’institut de la prostate de Nancy, l’Hôpital Saint-Eloi de Montpellier ne sont pas présentés comme des CHU– quant aux établissements de l’AP-HP, certains le sont comme (Necker Enfants malades et d’autres pas (Cochin, Pitié-Salpêtrière) – ces approximations peuvent expliquer la confusion de la journaliste – un constat qui ne peut que conforter le travail que les responsables de communication mènent autour de la marque CHU.
Marie-Georges Fayn
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