« Je sais que j’exerce un métier féminin ! » reconnaît Florian Merger, étudiant puériculteur à l’Institut de Formation en Soins Infirmiers de Brabois au CHU de Nancy. Dans une société où la parité imposée par la loi reste un passage obligé pour la présence à égalité homme/femme dans les diverses instances, à l’image des récentes décisions prises pour les conseils d’administration des grandes entreprises françaises, l’accueil des hommes dans des filières historiquement féminines, à l’inverse, se fait discrètement dans la bienveillance et dans la tolérance. En témoignent les futurs puériculteurs de Nancy qui, sans complexe, tout en étant minoritaires dans les promos, revendiquent leur présence sur le terrain. Enquête…
Un an d’études en alternance entre des cours théoriques et des stages dans différentes structures et établissements, la formation de puériculteur ne peut se suivre qu’en ayant déjà un diplôme d’Etat d’infirmier ou de sage-femme. A l’IFSI de Brabois, Marie-France Gaurois, cadre supérieur de santé, en charge de l’école de puériculture du CHU de Nancy, jette un rapide coup d’œil dans ses trombinoscopes, à la recherche des photos des étudiants qui ont suivi ou suivent le cursus : « Il y en a eu 1 en 1981, 1998, 2004, 2 en 2006, 2009… et cette année, nous en avons 3 dans notre promo de 23. C’est une première ! » Christine Morreale, puéricultrice et formatrice, s’enthousiasme devant cette tendance : « C’est très enrichissant cette mixité ! » Le point de vue des étudiants apporte un éclairage nouveau sur les thématiques abordées comme par exemple l’accompagnement des mamans qui allaitent ou la prise en charge des bébés…
Avant tout un savoir faire de soignant
« Dans l’exercice de leur métier, les puériculteurs ont une approche différente du fait qu’ils ne seront jamais « enceintes » », explique Marie-France Gaurois. Beaucoup de mamans estiment également que ces puériculteurs qui n’ont jamais enfanté, ni allaité, ne peuvent pas les comprendre. Partager les sensations et les ressentis si particuliers liés à la maternité pour mieux conseiller serait un plus de la relation entre femmes : « Arrêtons de nous stigmatiser, il y a bien des puéricultrices qui n’ont jamais eu d’enfants et qui n’en sont pas moins compétentes », met au point Florian.
Auparavant infirmier en réanimation néonatale, Florian Merger assure que sa façon de faire est plus directe avec les bébés : « Si je dois retourner un enfant ou lui faire un soin, je le fais. Je ne suis pas moins doux ou plus brutal qu’une femme, mais j’ai une gestuelle plus directe… » Relations différentes avec les gamins donc, mais aussi avec les mamans, puisqu’il a également remarqué que la prise en charge masculine et virile, subtil mélange d’une attitude sécurisante mais distante, convient à une majorité de femmes. C’est probablement dans ces façons différenciées de « faire » les choses que se situe la nuance, ne serait-ce que parce que les puériculteurs doivent éviter toute interprétation déplacée de leurs gestes professionnels.
Un homme qui exerce un métier traditionnellement féminin peut encore choquer
« Il y a encore du travail, surtout pour le public, les parents », souligne l’étudiant. Pourtant, il en va de la puériculture comme de tous les staffs : la mixité garantie l’équilibre des approches, des relations, des pratiques. Les présences masculines dans un service, autres qu’à des postes hiérarchiques, reflètent la réalité environnementale des enfants, en atteste Christine Morreale : « Un enfant vit avec des figures sexuées homme et femme, paternelle et maternelle. En les retrouvant au sein des structures qui l’accueillent, comme dans les crèches, il reconnaît des repères familiers. » Dépasser les préjugés et ouvrir la voie à d’autres approches, c’est à quoi contribuent les puériculteurs uniquement par leur choix de carrière. Florian Merger n’a qu’une ambition qu’il affirme avec conviction : « J’ai une position ferme : je viens au devant des patientes avec un regard de soignant. » Mettre un enfant au sein, conseiller de jeunes mamans…autant de gestes, en apparence intimes, qui font pourtant simplement partie « de pratiques professionnelles. » Les techniques et le but sont les mêmes : protéger l’enfant et s’assurer de son bon développement.
Christine Morreale témoigne que depuis leur arrivée dans l’école de puériculture du CHU de Nancy, l’attention ne s’est pas focalisée sur ces pionniers. Marie-France Gaurois explique que la seule chose qui ait changé, c’est la mixité de l’appellation : « On est passé d’École de Puéricultrices à École de Puéricultrices et de Puériculteurs.»
Allez, encore un petit effort et sans qu’ils n’y prennent garde, ces étudiants contribueront peut-être à la disparition de l’hégémonie masculine sur l’orthographe française !