La manie des classements sévit à nouveau.
Le 10 septembre, le Parisien s’intéressait au « Grand surmenage des internes » et plus précisément aux hôpitaux qui respectent le moins leur repos légal de sécurité -pourtant obligatoire après 24h de garde consécutive. En exergue, un tableau des 28 établissements aux cadences les plus tendues : Strasbourg, Limoges, Bordeaux, Clermont-Ferrand, Toulouse, Nice… Surprise dans la profession au vu de ce hit-parade inversé réalisé à partir de l’enquête menée par l’InterSyndical national des internes des hôpitaux (ISNIH) pour alerter sur les risques d’épuisement de ses 21 000 membres. Les 7 000 réponses montrent que dans 20% des cas le repos de sécurité n’est pas respecté et que « 15% des jeunes médecins estiment faire des fautes médicales » lorsqu’ils consultent au-delà du maximum d’heures autorisées. Un sujet reconnu sensible pour le Ministère.
Dans un encadré le lecteur en apprend un peu plus sur les futurs praticiens d’abord que leur nombre augmente « 18 200 en 2009, 21 000 aujourd’hui et 28 000 en 2020 – Actuellement 8 000 sont affectés à la médecine générale. 80% exercent à l’hôpital, les autres dans des cabinets de médecine générale, très peu dans le privé. Externes de leurs 4ème à leur 6ème année, ils ne deviendront internes qu’à l’issue de leur 6ème année clôturée par l’examen national classant (ENC) qui fait d’eux des médecins explique Clairte Chantry. Ils peuvent prescrire mais ne sont pas encore docteur en médecine. Pour cela ils doivent passer une thèse. Côté salaire, l’interne perçoit un salaire moyen est de 1750 euros, en 6ème année il sera de 2 000 euros par mois plus une prime de responsabilité de 300 euros.
Les grandes lignes de ce dossier ont été reprises dans la plupart des médias nationaux et régionaux
Quels sont les meilleurs services de chirurgie cardiaque ?
Le surlendemain, le 14 septembre –soit 3 semaines après le classement du Point- l’Express publie son palmarès des hôpitaux en Cardiologie. En guise de réponse à la question cruciale que se posent des centaines de milliers de français confrontés à une maladie cardio-vasculaire qualifiée d’ennemi public n°1* : trois tableaux pour les trois principaux actes de chirurgie coronarienne et de cardiologie, le traitement de l’infarctus du myocarde (comparaison entre 190 établissements prenant en charge au moins 100 infarctus sont évalués, l’angioplastie des coronaire par stent (208 structures assurant au moins 100 interventions) et le pontage aorto-coronarien (58 hôpitaux et cliniques autorisés). Qui retrouve-t-on tout en haut ?
Pour l’infactus, les CHU de Toulouse et Dijon arrivent en tête devant Nancy, le CHU Chenevier-Mondor à Créteil (AP-HP), le CHR de Metz-Thionville, le CHU de Grenoble, l’hôpital Jacques-Coeur à Bourges, le CHU de Caen, le CHU de Bordeaux et la clinique Pasteur à Toulouse.
Angioplastie avec stent, le CHU et la clinique Pasteur de Toulouse se retrouvent respectivement 1er et 2ème. Viennent ensuite la clinique Pasteur d’Essey-lès-Nancy, l’hôpital privé Saint-Martin de Caen, l’Institut Jacques-Cartier à Massy (Essonne), la Pitié-Salpêtrière (AP-HP) à Paris, le CHU de Caen, et trois ex-aequo à la huitième place: le CHU Chenevier-Mondor à Créteil, le CH de La Rochelle et le CHU de Nancy.
Pontage coronarien, le podium est tenu par Pitié-Salpêtrière puis l’Institut Jacques-Cartier et le CHU de Bordeaux. Viennent ensuite le CHU Félix-Guyon – Saint-Denis de la Réunion, la clinique Saint-Augustin à Bordeaux, le groupe hospitalier Bichat-Claude-Bernard à Paris (AP-HP), le CHU de Toulouse, la clinique de la Sauvegarde à Lyon, la clinique Pasteur à Toulouse . Trois ex-aequo au 10ème rang: les CHU de Rennes et Dijon ainsi que la clinique Saint-Gratien à Tours.
A nouveau grand vainqueur, Toulouse dit sa fierté et rappelle qu’un pôle de recherche clinique d’excellence se met en place entre les deux établissements phares dans la discipline : le CHU et la Clinique Pasteur. Dijon et Saint-Etienne se félicitent de leurs beaux scores. Mais les Hospices Civils de Lyon font part de leur mécontentement et dénoncent les erreurs du magazine qui relègue l’institution au 120ème rang alors que son activité la place en 3ème position après le CHU de Toulouse et le CHR de Metz-Thionville.
Les classements ont été élaborés en fonction de critères d’activité : nombre de séjours, durée moyenne de séjour et d’expertise basés sur la diversité, la complexité des interventions et enfin de notoriété calculée selon la distance séparant l’établissement du domicile des patients.
La crise financière de Caen
Le 11 septembre Angel Piquemal, directeur général du CHU de Caen adressait un courrier à chacun des 5 000 agents pour les informer de la délicate situation financière que traverse son établissement. Malgré les efforts consentis, Caen enregistre des déficits annuels qui, bien qu’en réduction – 9,2 millions d’euros fin 2011 contre 37,2 millions d’euros en 2009 – n’empêchent pas le déficit cumulé d’atteindre 119 millions d’euros. Le CHU dépense plus qu’il ne perçoit et a régulièrement recours à une ligne de trésorerie. Or, Dexia ayant disparu, il n’a pu trouver de banque pour renégocier ses autorisations de découvert et régler ses charges courantes. Caen peine aussi à obtenir un prêt pour conduire son programme d’investissement qui prévoit la reconstruction du bâtiment principal édifié en 1975 sur 23 étages et surtout très amianté – d’où un surcout des travaux de 30%. Les salaires seront payés mais l’établissement est contraint de suspendre le versement des cotisations patronales et de décaler le paiement des fournisseurs. Classé 16ème au Palmarès du Point, le CHU est reconnu pour la qualité de ses soins et en appelle à la tutelle et au ministère. Soutenu par le député-maire Philippe Duron il espère qu’une solution sera trouvée au tout début d’octobre.
La presse se fait l’écho de la missive. Dans les Echos du 13 septembre, Philippe Legueltel évoque un tour de table avec les banques et l’octroi d’ «un crédit spécifique du ministère de la Santé devrait même être accordé au CHU de Caen».
Le 12 septembre, dans une dépêche de l’AFP, Yves Gaubert, responsable du pôle financier de la FHF, constate que la banque franco-belge Dexia en cours de démantèlement couvrait à elle-seule 40% du marché hospitalier. Elle a abandonné le financement des hôpitaux et des collectivités locales depuis début 2012 et les autres établissements ne l’ont pas vraiment remplacée."
D’ores et déjà un arrêté gouvernemental du 18 août avance du 25 au 20 du mois la date de versement des fonds versés aux hôpitaux par l’assurance maladie en fonction de leur activité. Et le gouvernement s’apprête à prendre d’autres mesures au niveau bancaire » précise Yves M. Gaubert.
Enfin la FHF rappelle que, malgré ces décalages, la situation est sous contrôle puisqu’en 2011 le déficit global des hôpitaux représente de l’ordre de 1%" de leur budget total de fonctionnement.
Le 17 septembre, Pierre Bienvault posait dans la Croix la question de confiance à Gérard Vincent, délégué général de la Fédération hospitalière de France « Un hôpital peut-il faire faillite ? » la réponse se veut rassurante et pragmatique « Le plus probable est qu’il reçoive une avance de trésorerie de la Caisse des dépôts ou une dotation budgétaire de l’Agence régionale de santé (ARS). Jamais en France, un hôpital ne s’est retrouvé dans l’obligation de fermer à cause d’un déficit car une de ses missions principales est d’assurer la pérennité des soins. » Et s’il n’est pas imaginable, non plus, qu’un hôpital ne paie pas ses personnels à la fin du mois. En revanche, en cas de problème de trésorerie, il peut arriver que le paiement des fournisseurs ou des cotisations sociales soit décalé dans le temps. » Et Gérard Vincent de préciser que « la situation du CHU de Caen reste un cas relativement isolé. La grande majorité des hôpitaux sont dans une situation financière saine.. » Le responsable reconnaît également que les établissements peuvent connaître « ponctuellement des problèmes de trésorerie en raison d’un décalage entre le décaissement des dépenses et l’encaissement de recettes, ou une difficulté d’accès au financement bancaire »
Déficit consolidé des 1 200 hôpitaux : 487 millions d’euros en 2011
Elargissant la question du déficit à l’ensemble des établissements, Vincent Collen dans les Echos du 24 septembre s’appuyant sur les données de la FHF constate qu’en dépit de charges de personnel fortement contraintes, « l’hôpital public ne parvient plus à réduire son déficit ». Le déficit consolidé des 1.200 établissements de santé publics s’est élevé à 487 millions d’euros en 2011 soit 1% de leur budget principal autant qu’en 2010. Le journaliste reconnaît cependant que les CHU ont amélioré leurs comptes au prix d’une compression de leurs charges de personnels, parfois en diminuant leurs effectifs. Ils ont réduit leur besoin de financement de 5%». A eux seuls, les plus gros établissements représentent néanmoins une grosse moitié des déficits. L’Assistance publique-Hôpitaux de Paris, les Hospices civils de Lyon ou les Hôpitaux de Marseille ainsi que les structures les plus petites, dont le budget est inférieur à 20 millions d’euros. Vincent Collen retient également la hausse des amortissements du fait des investissements massifs réalisés dans le cadre des plans Hôpital 2007 et 2012. Le journaliste souligne enfin que les établissements se sont rattrapés sur les frais d’hôtellerie – la part des recettes provenant des patients et des mutuelles étant passée de 7,9% à 8,2% en un an.
Rebondissant sur cette nouvelle, Guillaume Errard dans le Figaro du 25 septembre reconnaît les efforts mais « on est loin du retour à l’équilibre » pour 2012 voire même pour 2013 selon Gérard Vincent qui explique que, pour atteindre l’équilibre des comptes « Il faudrait ne pas remplacer 8 000 à 10 000 emplois», sachant que les hôpitaux publics emploient 800 000 personnes. Le journaliste souligne que les recettes (+2%) progressent moins vite que les dépenses (+3%) à cause de la progression des charges.
En 2013, la progression des dépenses de l’assurance maladie devrait être de 2,7%, la même pour l’hôpital que pour la médecine de ville.
*Selon l’Insee 2008 la maladie cardio-vasculaire est la seconde cause de mortalité chez l’homme après le cancer et la première chez la femme. La base nationale des causes médicales de décès du Centre d’épidémiologie sur les causes médicales de décès (Inserm-CépiDc), sur les 543 139 décès survenus en 2008, près d’un tiers (29,6% ) sont dus aux les cancers, un autre tiers (27,5%) aux maladies de l’appareil circulatoire. Viennent ensuite les accidents (4,6%), la maladie d’Alzheimer (3,2%), le diabète (2,2%), le suicide (1,9%), les démences (1,8%) et les maladies chroniques du foie (1,7%). Bien sûr, cette hiérarchie des causes de décès varie fortement selon le sexe et l’âge.
Marie-Georges Fayn