10h00. La clinique est déjà très fréquentée lorsque nous pénétrons cet espace qui sent le neuf et que tout le monde, praticiens et patients confondus, appelle simplement “la CUSA”. Équipés de nos caméras et de nos trépieds, nous patientons en découvrant cet environnement spécifiquement dédié à la prise en charge des sportifs blessés, ainsi qu’aux patients souffrant de pathologies dégénératives. Face à nous, un bureau d’accueil en demi-lune derrière lequel les appels s’enchaînent. Sur le mur, trône un maillot encadré de l’ASSE. Il faut dire que cette institution du football français est, comme l’est d’ailleurs l’équipe de basket de Saint-Chamond, un partenaire précieux. Deux autres pans de murs sont réservés aux portraits des professionnels qui travaillent ici. Les blouses bleues que tous arborent nous rappellent les séries hospitalières américaines. Une intuition qui va se confirmer rapidement.
« On s’est basé sur des modèles anglo-saxons, entame le Pr Rémi Philippot, chirurgien orthopédiste et l’un des deux porteurs du projet, lorsque nous lui demandons de revenir sur la genèse de la CUSA. Il est vrai que ce sont des modèles essentiellement privés avec des gros centres qui rassemblent l’ensemble des compétences permettant de répondre à toutes les problématiques articulaires. », poursuit-il avec fierté. Entièrement financée par le CHU de Saint-Etienne, la Clinique Universitaire du Sport et de l’Arthrose est le seul établissement public du genre en France. Et ici, de la même manière que dans des centres privés, l’objectif est de soigner de manière transversale et optimisée grâce au travail en réseau des dix-sept praticiens de l’appareil locomoteur. Parmi eux, des médecins du sport, des kinésithérapeuthes, des rééducateurs, des vertébrosthérapeuthes des podologues, des pédiatres spécialisés dans le traumatologie chez les enfants ou encore des chirurgiens orthopédistes, certains venant du monde hospitalo-universitaire, d’autres de la médecine libérale.
Les lésions dangereuses
Nous débouchons dans une salle spacieuse, contenant plusieurs machines et équipements sportifs dont la fonction nous échappe encore. Quelques instants plus tard, nous rencontrons un jeune footballeur professionnel de l’ASSE, accompagné d’un médecin du club. Soucieux de conserver l’anonymat pour ne pas compromettre son début de carrière, le jeune homme, opéré pour une lésion méniscale il y a quatre mois, poursuit sa rééducation. Il est aujourd’hui venu faire un bilan complet, dont le verdict est notamment rendu par un laximètre électronique multidirectionnel.
Cet appareil, dont la CUSA est la seule à en avoir fait l’acquisition dans l’hexagone, sert à évaluer le jeu articulaire sur le plan frontal et rotatoire avec une grande précision. Quelques minutes plus tard, un test isocinétique aura permis d’évaluer la force récupérée par la jambe blessée. La visite, durant laquelle le sportif est pleinement sollicité, se conclut par une série d’exercices de renforcement musculaire et d’équilibre, vidéos à l’appui. Le kinésithérapeute ne cache pas sa satisfaction face aux bons résultats de son patient : “On ne voit plus quel genou a été opéré !”
Mais la CUSA ne saurait être un lieu de prise en charge réservé aux champions. « L’objectif c’est de répondre à toutes les demandes. On a pas fait un centre uniquement pour les sportifs professionnels. Chacun a le droit d’avoir une pratique sportif. Et, malheureusement, les sportifs amateurs se blessent plus que les sportifs professionnels parce qu’il y a des défauts de préparation, des prises en charges un peu retardées… donc l’objectif c’est de répondre à tout le monde.« , poursuit le Pr Rémi Philippot.
Et c’est dans ce cadre que nous faisons la connaissance de Camille Mazet. Footballeuse amatrice de seize ans au Football Club de Bourg-Argental, dans la périphérie de Saint-Etienne, elle accepte que nous la suivions tout au long de sa visite. A l’issue d’une série d’exercices de sauts, de force et d’équilibre (pliométrie), elle revient sur sa blessure, survenue six mois auparavant : « En octobre dernier, lors d’un entraînement on m’est rentré dedans sur un contact. J’ai entendu mon genou tourner, de petites douleurs mais je ne me suis pas plus affolée. Je suis allée voir le médecin qui m’a malheureusement dit que c’était un coup à la rotule (…) mais que ce n’était pas grave. Trois semaines plus tard, j’ai passé un IRM. En voyant les IRM, je suis un peu tombée de haut. J’avais une rupture complète des ligaments croisés du genou droit. J’ai arrêté le foot… C’est là qu’on m’a conseillé le Dr Philippot. On m’a dit que c’était un très bon chirurgien. », retrace-t-elle.
Après l’opération, c’est au bout d’un mois et demi de convalescence que Camille est invitée à prendre rendez-vous à la CUSA. Et aujourd’hui, la footballeuse repartira avec une petite victoire en poche : les médecins l’autorisent à reprendre la course à pied en ligne droite. Une bonne nouvelle pour la sportive qui reste positive à l’idée de reprendre le chemin des terrains d’ici quelques mois. « J’espère que j’ai fait la moitié. Si ma rééducation se passe bien, j’aimerais bien reprendre début août. Ce sera la trêve donc je réattaquerai doucement chez moi. », conclut-elle avec enthousiasme.
L’arthrose, premier facteur de rendez-vous
Le football, comme d’autres sports à impact, ne favorise pas uniquement les lésions méniscales ou ruptures ligamentaires. Il peut être aussi, à terme, responsable de l’apparition d’arthrose, une maladie articulaire dégénérative causée par un amincissement de la lame cartilagineuse. Exit donc l’idée communément répandue que cette pathologie touche exclusivement les plus âgés d’entre nous. En effet, si le vieillissement provoque la déshydratation au niveau du cartilage et donc sa dégradation, l’apparition de l’arthrose reste imputable à plusieurs facteurs. Sont donc à prendre en compte les blessures, mais aussi des prédispositions génétiques.
Ouverte depuis seulement cinq mois, c’est bien en raison d’une forte demande en lien avec l’arthrose que la CUSA croule sous les rendez-vous. Un succès plutôt inattendu.
« On pensait avoir beaucoup de patients jeunes, commence Rachel Nivet, adjointe administrative. Il y a pas mal de patients âgés, des gens passés quatre-vingt ans qui nous demandent justement si on a le droit de venir se faire soigner chez nous donc oui, on est victime de notre succès. Tant mieux. On a quand même beaucoup de prises de rendez-vous téléphoniques. En termes d’appels par jour, on a une bonne centaine voire plus, je dirais. »
Une centaine d’appels, près de trois-cents passages à la journée. La CUSA, très prisée depuis son ouverture, ne compte cependant pas en rester là.
De nouveaux moyens humains et matériels sont à déjà envisagés, notamment avec l’accueil d’un nouveau médecin du sport, ancienne joueuse professionnelle de tennis. Aussi, l’arrivée d’une table de distraction vertébrale, permettant de réaliser des tractions vertébrales dans des cas de figure où la chirurgie ne peut pas intervenir, est prévue. Enfin, la clinique a pour ambition de recevoir des étudiants en master ou en thèse de sciences, particulièrement intéressés par les équipements techniques dont dispose cet espace unique.