Aujourd’hui, il s’appelle Hervé Duroux, il a 57 ans et éprouve des difficultés à respirer. Hier, c’était Nathalie Combes, 33 ans, souffrant de violentes douleurs à la poitrine. Hervé et Nathalie sont en fait des mannequins de simulation médicale. Tous semblables et différents à la fois, se pliant aux exigences d’une formation médicale pointue, ils simulent les complications pour tester les réflexes des étudiants ou des personnels de santé expérimentés.
Ils sont capables de feindre les moindres symptômes : ils ont un pouls, ils respirent, ils se plaignent par le truchement d’un médecin expert qui leur prête sa voix et son expérience. Tout comme nous. Et pourtant, ce sont des mannequins norvégiens issus des dernières avancées de la robotique et de la technologie, l’occasion pour des centaines d’étudiants en médecine, pour des infirmiers, des urgentistes et pour des professionnels déjà aguerris de s’exercer aux gestes techniques médicaux dans des conditions réalistes. Visite du Centre Universitaire d’Enseignement par Simulation Médicale (CUESiM) de la Faculté de Médecine de Nancy où le virtuel joue aux frontières du réel…
A la Faculté de Médecine de Nancy, les étudiants sont plus habitués aux amphis et autres salles d’enseignement qu’aux locaux un peu particuliers du CUESiM : quatre pièces colorées séparées en 2 parties par une vitre sans tain. D’un côté, une table de débriefing et un mannequin alité, filmé par deux caméras panoramiques et de l’autre côté, à l’abri des regards, des ordinateurs dédiés au pilotage et au contrôle des simulations et gérés par un des tuteurs de la session de formation.
« L’idée du CUESiM a émergé en 2008. Après une année à rechercher des financements, le centre de simulation médicale a finalement été inauguré en mai 2010 », se rappelle le Pr Marc Braun, initiateur du projet, entouré du Professeur d’anesthésie réanimation Gérard Audibert, du Dr Claude Varoqui, directeur médical du CESU (Centre d’Enseignement des Soins d’Urgence) et de Jean-Michel Kleffert, directeur technique de la même structure. Véritable projet territorial, le CUESiM a reçu le soutien financier de la Faculté de Médecine, de l’Université Henri Poincaré, du Conseil Régional de Lorraine, du Conseil Général de Meurthe-et-Moselle, de la Communauté Urbaine du Grand Nancy et de l’association des chefs de service du CHU. La sophistication de tels mannequins explique leur prix, environ 35 000€ chacun. Equipés d’une machinerie dans l’abdomen qui permet de reproduire les bruits pathologiques du cœur ou des poumons, ils peuvent tous subir des gestes d’urgence spécifiques : intubation, mise en place d’un drain pleural, massage cardiaque, réalisation d’une trachéotomie… Ces gestes altèrent certaines régions du mannequin qui doivent ensuite être remplacées.
Allongés sur des brancards, les patients virtuels sont plus vrais que nature : leur poitrine se soulève au rythme de leur respiration, des voies veineuses fictives sont reliées à de véritables perfusions, leur pouls est sensible au cou, au pli du coude et à l’aine, et avec la complicité d’un tuteur au micro, ils peuvent parler, tousser, gémir, s’inquiéter… La Faculté dispose de 3 mannequins adultes, hommes ou femmes. Depuis la rentrée 2011, s’ajoutent un mannequin qui ressemble à un enfant de 6 mois et un autre qui reproduit les réactions d’un nouveau-né. « Au premier trimestre 2012, nous allons acquérir un mannequin d’obstétrique, une femme enceinte qui nous permettra de simuler des accouchements : contractions, expulsion, complications pour la mère ou pour l’enfant… » ajoute le Pr Braun, « le CUESiM de Nancy deviendra alors le seul centre en France à couvrir toutes les étapes de la vie d’un patient ! »
L’objectif du CUESiM est de permettre l’apprentissage de la démarche du raisonnement médical et de l’urgence par une mise en situation réaliste grâce aux patients mannequins pilotés par système informatique. En amont de la formation in situ, des médecins, des enseignants et des praticiens du CHU de Nancy, formés aux logiciels de pilotage, imaginent des scenarii de situations médicales critiques ou rares. Hind Hani, ingénieur biomédical du centre, transpose en langage informatique un descriptif du cas que les formateurs souhaitent imposer à leurs étudiants : profil du malade, contexte, allergies connues, mode de vie, signes cliniques et leur évolution au cours de la saynète. La jeune femme est alors chargée de programmer le scénario qui enclenchera les différentes réactions chez le mannequin. « Il est par exemple possible de prévoir une amélioration de la saturation d’oxygène au bout de 5 minutes », explique-t-elle.
Mais l’avenir du patient virtuel n’est pas prédéfini à l’avance… et dépend fortement du raisonnement et des gestes effectués ou non : si la mort n’est jamais mise en scène, le mannequin peut toutefois simuler de nombreuses défaillances vitales susceptibles d’être traitées (choc électrique externe par exemple).
Pour une mise en situation de qualité, le logiciel informatique seul ne suffit pas. Le tuteur encadrant les étudiants peut être amené à « donner sa voix » au patient virtuel exprimant ainsi ses angoisses, ses douleurs ou ses appréhensions. Dans certains cas, les étudiants simulent un appel téléphonique avec le médecin de famille du patient, afin de connaître ses antécédents ou les médicaments qui lui ont été prescrits. Un rôle également joué par le tuteur qui, caché derrière la vitre sans tain, prête sa voix au médecin correspondant.
L’activité de simulation en elle-même dure une vingtaine de minutes, mais n’est utile que si elle est suivie d’une phase de débriefing. La situation filmée est alors visionnée et commentée par le binôme de tuteurs. Les différents temps d’action sont analysés : réactivité, prise de décisions, gestion du stress, cohésion de l’équipe… Pour les étudiants en médecine, l’opportunité est énorme : au CUESiM de Nancy, il leur est possible de se confronter à des situations d’urgence ou de gravité que leurs stages ne leur donnent pas toujours l’occasion d’appréhender.
Si le CUESiM a accueilli près de 920 étudiants en médecine en une année, le centre propose également de former des médecins en exercice (182 en un an), toutes spécialités confondues, ou encore des infirmiers (80 pour la première séance). Il s’intègre donc parfaitement dans les études de médecine comme un outil de formation à la compétence, mais développe son offre en formation continue, pour des médecins dont l’exercice est plus risqué (anesthésistes, urgentistes).
Le Pr Marc Braun souhaite également ouvrir la structure à l’ensemble de la communauté de médecins et de professionnels de santé de la région et en faire un centre de référence lorrain en matière de formation continue car l’objectif est surtout de lutter contre le désapprentissage. « Certains gestes techniques se font rarement et il peut arriver qu’un médecin les oublie à force de ne pas les pratiquer. Ici, ils ont la possibilité de s’entraîner et d’accomplir « en vrai » certaines techniques médicales », précise-t-il.
A terme, le but du CUESiM est également d’apporter un enseignement multi-professionnel. Aujourd’hui, les sessions de simulation se font séparément pour les médecins, les infirmiers ou les urgentistes. Dans les mois à venir, certaines sessions devraient rassembler ces diverses professions autour d’un cas clinique commun, afin de restituer de véritables conditions de travail collaboratif, où le dialogue interprofessionnel prime entre les différentes catégories de personnels de soins.
CHU Grenobles Alpes : vers un hôpital vert
Les hôpitaux sont des acteurs non négligeable en termes d’impact sur l’environnement. En effet, le monde de la santé produit 8 % de l’empreinte carbone française. Afin de sensibiliser à la question du développement durable, est organisée chaque année, et dans de nombreux CHU, les semaines du développement durable du 17 septembre au 08 octobre. Retour sur les actions menées au CHU de Grenoble Alpes.