Mardi 18 septembre – Coup d’envoi du nouveau plan santé
Quelques heures plus tard, au ministère des Solidarités et de la Santé, Agnès Buzyn détaille la feuille de route de Ma Santé 2022, dont l’analyse et le décryptage s’amorcent dans l’ensemble des médias: de Ouest-France à France Info en passant par La Croix et le Huffington Post. «Urgences "engorgées", psychiatrie "en crise": après les diagnostics alarmants posés ces derniers mois, l’exécutif dispense enfin son remède pour remettre sur pied le système de santé», relève notamment Anthony Berthelier.
Les réactions et analyses des associations professionnelles et autres experts du monde de la santé défraient également la chronique y compris sur les réseaux sociaux.
Les échos des fédérations hospitalières
«Remettre l’hôpital à sa juste place, favoriser les coopérations entre médecins de ville et hospitaliers, priorité à la proximité et aux actes pertinents, appel aux libéraux sur la permanence des soins: Emmanuel Macron a livré un discours ambitieux sur les objectifs et la méthode», résume ainsi Frédéric Valletoux. Mais «400 millions d’euros en plus, je ne vois pas comment cela suffirait à financer les assistants médicaux, les 400 médecins dans les zones prioritaires et à réoxygéner l’hôpital», commente le président de la Fédération hospitalière de France dans Le Figaro, estimant que le financement annoncé par le président de la République constitue tout juste un «pansement».
Lamine Gharbi, patron de la FHP voit dans la création des hôpitaux de proximité publics et privés un acte «malin politiquement» dans le sens où cette nouvelle labellisation (intégrant biologie et imagerie) fait d’une pierre deux coups: inclure les cliniques privées tout en relançant les hôpitaux locaux. La fédération des établissements hospitaliers et d’aide à la personne privés non lucratifs (Fehap) a également salué une stratégie qui apporte «une réponse structurelle aux problématiques de la santé en France et son caractère très opérationnel» et indique toutefois qu’elle restera «vigilante» sur les modalités de sa mise en oeuvre.
Du côté des médecins
La Conférence des présidents de commissions médicales d’établissement de CHU admet quant à elle plusieurs mesures «positives» dans ce plan santé. Notamment les soins gradués, la participation des médecins de ville à la prise en charge des urgences et le financement au parcours pour les personnes diabétiques ou souffrant de maladie rénale chronique… Elle se montre en revanche elle aussi dubitative sur l’accompagnement financier et réglementaire de ces mesures «au-delà d’un ONDAM porté à 2,5%, soit 400 M€ en plus mais ne compensant pas la baisse déjà décidée des tarifs». Elle déplore en outre l’exclusion des structures publiques de la concertation, dans un communiqué.
De son côté, le Pr Jean Sibilia, président de la Conférence des doyens de médecine retient la volonté du Président de mettre fin aux clivages, d’encourager l’exercice pluri-professionnel, une meilleure organisation des soins non programmés. «Et surtout le projet de reformatage complet des études de santé, la disparition du numerus clausus, de la PACES, de l’ECN… un énorme travail de terrain!» confie-t-il au micro de Réseau Hôpital & GHT.
Patrick Pelloux, président de l’association des Médecins urgentistes de France se félicite pour sa part de cette «relance de la permanence des soins» et regrette que dans son discours le Président de la République ne se soit pas plus étendu sur la situation de la psychiatrie.
Une situation qui inquiète tout particulièrement le Dr Rachel Bocher, psychiatre et présidente de l’Intersyndicat national des praticiens hospitaliers (INPH): «c’est là où il y a le plus de tensions et de demandes», confie-t-elle au Quotidien du Médecin, et ce malgré la création d’un fonds d’innovation de dix millions d’euros et le déploiement des infirmières en pratique avancée (IPA) dans cette spécialité…
Le pharmacien Jacques Trévidic, président d’Action praticiens hôpital (APH) se montre plus optimiste qualifiant la réforme de «moment refondateur» et saluant la fin du «gâchis humain» avec la suppression du numerus clausus, le développement des communautés professionnelles territoriales de santé (CPTS) et la création du label «hôpital de proximité». Mais lui aussi déplore le manque de moyens en comparaison des efforts réclamés aux hôpitaux (1,2 milliard d’euros sur la masse salariale d’ici à 2022).
Les infirmiers vent debout
La profession infirmière dénonce quant à elle un plan qui n’a pas pris en compte ses revendications.«Où sont les infirmiers dans la réforme de Santé?», titre le site Infirmiers.com ou encore «Mme Buzyn, pourquoi ne pas tirer profit des compétences des infirmiers?», rapportant la levée de boucliers des principales organisations professionnelles.
A commencer par les réactions vives face à la création annoncée de financer des assistants médicaux de Nathalie Depoire, présidente de la Coordination nationale infirmière (CNI) dont le site rapporte les propos : «On nous considère comme des auxiliaires médicaux alors que nous sommes des professionnels de santé à part entière». «Une mesure supplémentaire pour replacer les infirmiers sous la tutelle des médecins libéraux», s’insurge Philippe Tisserand, président de la Fédération nationale des infirmiers (FNI). Convergence infirmière, ne décolère pas, titrant son communiqué «La République En Marche, oui… mais sur la tête!». Alors que l’Ordre national des infirmiers dénonce «un grave retour en arrière vers une médecine d’un temps révolu, celle d’une époque où les épouses des médecins travaillaient gratuitement au cabinet». Il estime en outre qu’il est «illusoire de croire que les assistants médicaux peuvent résoudre le problème des déserts médicaux». Le Syndicat national des infirmières et infirmiers libéraux (Sniil) regrette, quant à lui, de n’avoir pas été consulté et estime que la mesure «bénéficiera avant tout aux seuls médecins».
Paroles d’ experts
Benoît Péricard, directeur des activités santé chez KPMG voit dans l’annonce faite par Emmanuel Macron «un discours certainement fondateur qui repose sur trois concepts majeurs: le territoire, la confiance et la coopération». Il pointe cependant deux zones d’ombre: «la réforme des CHU est annoncée mais sans ligne directrice" et "rien n’a été dit sur les méthodes pour accompagner cette réforme d’ampleur»
Frédéric Boiron, directeur général du CHU de Lille, président de l’Association des directrices et directeurs d’hôpital (ADH), voit avec satisfaction la santé hissée au rang de préoccupation nationale. Du discours du Président, il retient "la volonté de mieux coordonner les soins de proximité et de recours, spécialisés et hyperspécialisés, de désengorger les urgences et d’encourager le travail en réseau des professionnels de santé".
Parmi les avancées à retenir, Jérémie Sécher, président du Syndicat des manageurs publics de Santé (SMPS), relève l’importance, soulignée par le chef de l’Etat, «d’un exercice collectif, décloisonné et coordonné. Cette ouverture vers les autres offreurs de soins est vitale pour les hôpitaux publics». Mais de regretter toutefois «que le Président de la République ait fait le choix de privilégier le statut, avant la compétence et l’expérience, s’agissant des nominations aux postes de direction des établissements », tout comme le fait qu’il ne soit pas fait «plus de place aux soignants».
Fondateur du site Managersante.com, Jean-Luc Stanislas, pointe lui aussi quelques incertitudes parmi lesquelles la situation «d’étranglement à l’échelle nationale des services d’accueil et de traitement des urgences (SAU)», ou encore «les conditions de vie au travail de plus en plus dégradées des personnels hospitaliers».
Mélodie Fortier et Giovanni Reibaldi d’Anéo pointent quant à eux quatre avancées significatives: l’incitation à l’amélioration de la qualité, le renforcement du management hospitalier et de l’importance donnée au collectif de soins et au dialogue social, la valorisation des nouveaux métiers en santé et enfin la prise en compte de l’expérience patient et l’implication des patients dans l’évaluation et la formation des professionnels de santé. Mais ils se disent «surpris de constater qu’il n’y a rien concernant le dépistage des risques psycho-sociaux, notamment du burn-out, et des conflits interpersonnels, ainsi que leur résolution».
Jeu gagnant pour les associations de patients
Les associations de patients ont dans leur ensemble réservé un accueil favorable à cette nouvelle réforme. Entre autres réactions relevées, France Assos Santé reconnaît «une volonté politique forte» mais craint pour sa mise en œuvre «les divergences d’approche entre les nombreux acteurs impliqués dans le système de santé».
«Un plan santé intéressant, dont on demande à suivre l’application. Mais quid de la prévention?» commente de son côté l‘Association nationale de défense des consommateurs et usagers. Alors que Rénaloo, l’Association de patients, maladies rénales, greffe, dialyse se réjouit du «tournant majeur que constitue le financement au parcours de l’insuffisance rénale chronique. Une décision historique!»
25 septembre – PLSS 2019 : le retour à l’équilibre salué
Pour la première fois depuis 18 ans, le budget de la Sécurité sociale prévoit un retour à l’équilibre. La «bonne nouvelle» a été annoncée par Agnès Buzyn lors de sa présentation ce 25 septembre du nouveau projet de loi de financement de la sécurité sociale (PLSS 2019). La ministre des Solidarités et de la Santé, a détaillé avec Gérald Darmanin, ministre de l’Action et des Comptes publics, les principaux chantiers gouvernementaux dans le cadre de Ma Santé 2022 et les modalités de leur financement.
Le Monde parle du «premier budget en excédent de la sécu depuis dix-huit ans» avant de mettre en garde: «Surtout ne pas laisser s’installer l’idée qu’il y aurait une "cagnotte"», en pointant la volonté du gouvernement de «poursuivre les économies».
«Sécu: le retour à l’équilibre se fait-il sur le dos des médecins?» interroge tout de go Le Quotidien du médecin, soulignant que «des économies sont attendues grâce à la lutte contre la fraude, la pertinence des prescriptions et des prises en charge ainsi que dans le secteur du médicament où le ministère de la Santé espère économiser un milliard d’euros». Et que pour la CSMF, «ces bons résultats sur les comptes de la Sécu sont surtout à mettre à l’actif d’un sous-financement de la médecine de ville, depuis de très nombreuses années».
Betty Mamane
Pour en savoir plus:
«Construire ensemble une offre de soins coordonnée, de proximité et de qualité»
Ma Santé 2022: «Améliorer la qualité des prises en charge pour tous les patients sur tous les territoires»
Plan Santé : les réactions à chaud
Plan Santé: «des mesures positives» selon la Conférence des Présidents de CME de CHU
Stratégie de transformation de notre système de santé, réactions d’experts
Les associations de patients prêtes à s’engager
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