Est-ce que vous pouvez nous parler des origines de cette labélisation éco-responsable (TQSE) ?
Nous nous sommes rendus compte que, dans les services, nous avions de la part des soignants une volonté de changer les pratiques, une prise de conscience écologique et environnementale de plus en plus importante. Cela venait de personnels jeunes, qui étaient amenés à devenir, eux aussi, parents. Nous avons eu l’occasion d’être accompagnés dans ce projet par l’institution, qui a mis en place une société d’experts pour nous donner des pistes de travail.
Sur quels types de pratiques vous vous interrogiez ?
Nous nous interrogions, par exemple, sur les produits qu’on utilisait, sur la pertinence de l’utilisation de certains matériaux qui engendraient beaucoup de déchets, ou sur l’allaitement maternel.
Est-ce que vous commencez à voir des femmes qui viennent accoucher ici parce que les pratiques sont plus naturelles ?
Toutes nos patientes qui accouchent là aujourd’hui sont tombées enceintes peu de temps après la labellisation, donc avoir ce recul-là, c’est difficile. On se rend compte qu’on a beaucoup de patientes qui sont sensibilisées à ces sujets-là et qui sont contentes de voir qu’on leur en parle spontanément. D’autres qui n’avaient pas encore cette sensibilité repartent en disant « Effectivement, je n’y avais pas pensé, je vais réfléchir différemment. »
En pratique, nous avons surtout changé les soins au nouveau-né. Nous utilisions des produits de soins qui se sont avérés à risque pour les enfants. Par exemple, sur les soins de cordon, nous sommes revenus à quelque chose de beaucoup plus simple : savon et eau. Nous n’utilisons plus d’antiseptiques qui, à la fois passaient la barrière cutanée et allaient dans l’environnement par l’eau du bain
Je crois qu’il y a aussi une salle qui y était dédiée à faire de la pédagogie environnementale ?
Effectivement, nous avons créé ce qu’on a appelé une « chambre pédagogique » à destination des parents et que les professionnels utilisent comme support. On y parlait beaucoup de l’achat d’occasions : lit, table à langer, commode etc. Cela nous permettait aussi d’évoquer tout ce qui se libère des meubles : les composés organiques volatiles, les perturbateurs endocriniens. Nous évoquions aussi les produits d’hygiène. Par exemple, il s’agit d’essayer de faire la distinction entre différents savons, de savoir repérer ceux qui avaient le moins d’ingrédients possibles. Plus la composition est faible, plus l’impact écologique l’est lui aussi.
Actuellement, au niveau pédiatrique, nous avons des difficultés à pouvoir hospitaliser tous les enfants, ce qui a nécessité d’ouvrir des lits et de réquisitionner cette chambre pédagogique, qui est un peu en suspens. Nous réfléchissons à pouvoir la créer ailleurs, et la mutualiser des temps d’échanges entre les patientes et les sages-femmes pendant le séjour à la maternité.
Vos personnels sont-ils tous informés de ces questions environnementales ?
Nous avons formé, de mémoire, une trentaine de personnes. C’est le projet FEES (pour Femmes Enceintes Environnement et Santé), qui concerne principalement trois domaines, ceux qui reviennent le plus pour les nouveaux-nés : la qualité de l’air intérieur, l’alimentation et les cosmétiques. En qualité de l’air intérieur, nous allons, par exemple, expliquer les dangers du monoxyde de carbone. On va aussi parler de tous ces composés qu’on a dans l’air intérieur et qui le polluent, que ce soit l’utilisation de parfum ou l’utilisation de bougies. C’est une formation qu’on va faire perdurer dans le temps de façon à ce que, petit à petit, la grande majorité du personnel soignant soit sensibilisé et puisse intervenir auprès des patients et des nouveau-nés.
Le label THQSE devra être renouvelé d’ici deux ou trois ans. Quels sont les projets qui vont être développés dans les prochaines années ?
Effectivement, on ne peut pas se reposer sur nos lauriers. En termes d’alimentation, pour les femmes allaitantes et plus généralement pour celles qui viennent d’accoucher, nous réfléchissons à la composition des repas et, principalement, aux contenants de ces repas. Actuellement, ces derniers sont en plastique. Lorsqu’on les fait chauffer, on sait qu’il y a un passage de plastique dans l’alimentation. Sur ce sujet, on est contraints par le temps puisqu’une loi doit sortir en 2025. On réfléchit donc aux contenants à utiliser, à un retour d’un service à l’assiette etc. On souhaiterait aussi développer le recyclage de biodéchets.
En termes de soins aux nouveaux-nés, on mène une réflexion sur les bains qui sont faits de manière systématique, à jour 1 et jour 2. Est-ce que cela est nécessaire pour une deuxième ou troisième « par », c’est-à dire lorsqu’un une maman a déjà eu un enfant ? Est-ce qu’elle a besoin de cet accompagnement-là ? Pour une patiente qui est bien accompagnée par une sage-femme libérale, ne peut-elle pas le faire à domicile, dans son environnement à elle ? Est-ce que cela n’aurait pas plus de sens de le faire à ce moment-là ? On se pose plein de questions.
Propos recueillis par Adrien Morcuende