Moins de deux mois après leur dernier communiqué commun, qui alertait sur la situation financière « catastrophique » des CHU, Directeurs généraux, doyens des facultés de médecine et PCME ont une fois encore unis leurs voix, ou plutôt leurs plumes, demandant au Premier ministre Gabriel Attal et à son gouvernement de “préserver un trésor national”.
Plus concrètement, les trois conférences souhaitent un redressement en urgence des tarifs hospitaliers qui “ont été chroniquement sous-évalués depuis la crise Covid.” Et de développer : “la baisse d’activité constatée dans les hôpitaux publics depuis 2020, la crise de recrutement des soignants et les fermetures de lits ont conduit les pouvoirs public à déterminer des tarifs hospitaliers inadaptés, totalement déconnectés des coûts auxquels sont confrontés les CHU et de leur place dans le système de santé.” Une situation qui ne peut plus durer. Sans une hausse des tarifs qui permettraient, toujours selon les représentants des CHU, de “mieux répartir les fonds alloués par le parlement entre hôpitaux publics ou privés”, les CHU ne pourraient plus assurer les missions essentielles et fondamentales de soins, de formation et de recherche “tout en portant les espoirs d’embellie.”
Un “dérèglement” qui profite à l’hôpital privé
Le 29 janvier, les CHU alertaient donc sur le déficit cumulé des 32 CHU en 2023, à savoir 1,2 milliard d’euros, montant multiplié par trois par rapport à l’année précédente. Des difficultés financières liées “en grande partie à l’inadéquation récurrente des tarifs des séjours hospitaliers facturés à la sécurité sociale, qui sont désormais largement décorrélés des coûts réels des CHU”. Un dérèglement tarifaire que les conférences estiment de 9 à 10% qui se traduit par une hospitalisation publique qui “ne parvient pas à atteindre les volumes d’activités prévus par le législateur et à consommer l’intégralité des crédits votés.” Conséquence directe : les CHU français se retrouvent privés de ressources “qui leurs seraient précieuses et les empêche d’accéder aux sommes mises en réserve qui leur permettraient de couvrir la réalité de leurs coûts.” A l’inverse, les hôpitaux privés sont donnés comme gagnants de cette situation, en sur-exécutant ses objectifs et récupérant ainsi une “grande partie de ces crédits.”
Ubuesque mais pas irrémédiable
Selon le communiqué rédigé par les trois conférences, les difficultés auxquelles fait face le secteur hospitalier public pose clairement la question du modèle économique des CHU : “alors que nos établissements ont pris en charge 85% des patients Covid et ont servi de bouclier sanitaire durant la plus grave crise sanitaire depuis un siècle, force est de constater que la capacité d’autofinancement des CHU est au plus bas. Ils ne peuvent plus financer la reprise d’activité qui se dessine, le rétablissement de l’offre de soin et les investissements pour entretenir et moderniser notre hôpital.” Dans ce contexte, le pilotage des navires-amiraux de la santé que sont les CHU devient “presque impossible”.
Pas question de se résigner pour autant. Pour les présidents des trois Conférences, les tarifs hospitaliers, “les nerfs de la guerre” pour leurs structures, doivent être revalorisés, sous peine de voir des déficits s’inscrirent dans la durée et “créer les conditions d’une crise chronique affectant les soignants et tous les citoyens.” A l’heure des arbitrages financiers, plusieurs mesures d’urgence sont ainsi formulées à l’endroit de Gabriel Attal et de son gouvernement : “une évolution clairement distincte des tarifs de l’hospitalisation publique de ceux de l’hospitalisation privée à but lucratif, indépendamment de l’impact des mesures salariales décidées par les pouvoirs publics ; une réévaluation très significative des tarifs de médecine, de chirurgie lourde et de réanimation ; deux coefficients prudentiels (les crédits mis en réserve destinés à couvrir d’éventuels dépassement des crédits votés par le parlement dans le cadre de l’ONDAM*) différents pour les deux types d’hospitalisation, à la lumière de ce qui a été constaté lors des quatre dernières années ; une juste compensation de l’extension en année pleine de mesures salariales décidées par les pouvoirs publics ces dernières années, de façon à ne pas dégrader encore la situation des CHU.”
Reste à savoir si ces demandes seront entendues.
La rédaction
* Objectif National des Dépenses d’Assurance Maladie
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